Hadopschittt !

Christine Tréguier  • 19 mai 2011
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L’Hadopi, ça marche ! C’est en l’essence le message distillé par Frédéric Mitterrand. Invité par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, il est venu faire un bilan d’étape après sept mois de fonctionnement et présenter les résultats d’une enquête sur les pratiques des Français en matière de téléchargement. C’est la seconde enquête du genre.

Après avoir affirmé que «   ce qui était hier un pari est devenu, aujourd’hui, une réalité tangible   » et que le déploiement de la riposte graduée se déroulait sans difficultés, Frédéric Mitterrand s’est dit satisfait de l’évolution positive du dispositif : «   L’envoi des premières ** recommandations augmente régulièrement, un nombre significatif de deuxièmes ** recommandations a d’ores et déjà été envoyé, par lettre remise contre signature. Les destinataires réagissent de façon responsable et établissent un dialogue constructif avec l’Hadopi, en particulier via son centre d’appels qui les accompagne dans la compréhension et la résolution des faits.   »

L’enquête est-elle aussi positive ? Pas si sur. Sur un panel de 1 500 personnes interrogées, 41 % disent avoir changé leurs habitudes de consommation (contre 48 % n’ayant pas changé). Victoire, semble considérer l’Hadopi, ils n’étaient que 25 % lors de l’étude précédente. Problème, on a oublié de demander aux 41 % s’ils avaient arrêté ou simplement adopté un autre mode de téléchargement gratuit. Toujours selon l’étude, 7 % des internautes déclarent qu’eux ou un membre de leur entourage a reçu un avertissement. Parmi eux, 50 % disent avoir arrêté de consommer illégalement, 22 % continuent mais plus modérément, 25 % n’ont rien changé et 2 % consomment plus. Comme l’a fait remarquer le site PCInpact, si on rapporte ces chiffres à l’échantillon testé, cela fait 53 personnes sur 1 500 que la peur de l’Hadopi a dissuadées. Pas vraiment de quoi pavoiser.

Les représentants de la haute autorité comme le ministre ont lourdement insisté sur la mission pédagogique de l’Hadopi. «  Si [les recommandations] ont l’effet attendu, elles pourraient, dans les faits, rendre quasi inutile la transmission au parquet  », a tenu à souligner Frédéric Mitterrand. Autrement dit, une riposte graduée… sans coupure d’accès. Ce qui simplifierait les choses, car cette coupure d’accès ne va pas sans difficultés. La question de la sécurisation de l’accès, empêchant un tiers de s’en servir pour pirater, reste entière, et le logiciel de sécurisation annoncé n’est à ce jour toujours pas connu. Autre problème, les fournisseurs d’accès (FAI) devront suspendre l’accès au web, tout en maintenant la possibilité de s’y connecter pour recevoir son courrier électronique, que les députés ont explicitement exclu de la sanction. Du travail en plus, donc, pour les FAI, alors que la question de leur indemnisation financière n’est toujours pas officiellement réglée.L’Hadopi dit vouloir prendre son temps. Peut-être attend-elle la future révision des directives européennes. Sous la pression du lobby des industries culturelles, elles pourraient évacuer le problème en imposant le blocage des sites diffusant illégalement des contenus protégés.

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