Haro sur les motos

Tribune. Le gouvernement prépare un plan visant à freiner le nombre des deux roues motorisés. Les chiffres de la Prévention routière montrent pourtant que scootéristes et motards ne sont pas plus dangereux que les autres usagers de la route.

Claude-Marie Vadrot  • 12 mai 2011
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Haro sur les motos
© Claude-Marie Vadrot est adepte du scooter depuis 1975 et actuellement au guidon d’un scooter à trois roues hybride.

Après avoir largement communiqué autour de la mortalité sur les routes, oubliant opportunément que si le nombre des tués dans des accidents routiers a augmenté, le nombre des accidents a diminué, le gouvernement prépare pour cet été une vague de mesures bien plus sévères contre les deux roues motorisés. D’après certains conseillers gouvernementaux, ces décisions en préparation passeront plus facilement que les mesurettes destinées aux automobilistes, puisque les cyclomoteurs, les scooters et les motos conservent une connotation « jeunes » dans l’opinion. Ce qui est faux puisque lorsque l’on examine les statistiques de la Prévention routière, on constate que la proportion de conducteurs de deux roues à moteur tués sur la route et en ville est la même (autour de 25 %) de 15 à 45 ans. Mais, la démagogie étant à la mode en Sarkozie, haro sur les deux roues qui narguent les bagnoles…

  • Rapidement, le permis de conduire sera obligatoire à partir de 125 cm3, décision qui remplacera les sept heures de formation, pratique et théorique, déjà obligatoires –et au prix fort- pour les conducteurs qui ne peuvent pas prouver, par le biais de leur assureur, qu’ils conduisent un tel véhicule depuis au moins cinq ans. Dans les cinq années, sauf embouteillage dans les auto-écoles, tous les possesseurs de deux roues motorisés devront posséder et donc passer un permis qui leur coûtera plusieurs centaines d’euros. Lequel comporterait, paraît-il, une « évaluation psychologique ».

  • Le contrôle technique des deux roues serait obligatoire, tous les deux ans.

  • En ville et sur les routes, les deux roues devront suivre les mêmes règles que les automobiles, ce qui implique l’interdiction (sanctionnée) des dépassements de voitures à l’arrêt (dans un embouteillage ou stoppées par une feu tricolore) ou en train de rouler. La philosophie de cette mesure est claire : calmer les automobilistes qui supporteraient de plus en plus mal que circuler en deux roues offre une garantie de circulation plus rapide. Décision qui gomme une autre réalité : 65 % des accidents mortels de deux roues (toujours selon les chiffres de la Prévention routière) se produisent en rase campagne.

  • Les assureurs, qui pratiquent déjà souvent des tarifs prohibitifs pour les 1,5 millions de deux roues de 125 cm 3 et plus [^2], seront priés de prélever une taxe spéciale qui sera reversée à la sécurité sociale.

Ces mesures en préparation complètent celles qui viennent d’être prises : une plaque d’immatriculation plus grande pour qu’elle soit lue plus facilement pas les radars et les policiers et le port obligatoire d’un gilet réfléchissant. Alors que 70 % des accidents surviennent de jour !

Des décisions d’autant moins compréhensibles que de 2009 à 2010, le nombre des motards tués est passé de 1144 à 941 et qu’un accident mortel sur cinq, comme pour les automobiles, est lié à un niveau d’imprégnation alcoolique dépassant les limites légales, limites qui n’ont pas été modifiées. Et que dans trois accidents sur quatre, révèle la Prévention routière, ce n’est pas le conducteur du deux roues qui est responsable.

Ces mesures démagogiques, et quelques autres à l’étude, visent à brider l’expansion des deux roues qui « énervent » les automobilistes circulant en ville, là où s’organise la cohabitation qui fait de plus en plus clairement apparaître la supériorité du deux roues en circulation urbaine. Alors que pour réduire le nombre des accidents et donc des morts, il serait largement plus efficace d’éliminer les pièges qui jalonnent de plus en plus souvent les rues des villes : plots, bandes blanches glissantes, trous trop hâtivement rebouchés, traces de travaux ou dégradation de la chaussée. C’est sur ces imperfections grandissantes des rues qui n’affectent pas la stabilité des voitures que les adeptes des deux roues se « viandent » trop souvent…

[^2]: Il y a 5,9 millions de ces véhicules en Italie et 3,7 en Allemagne.

Société
Temps de lecture : 3 minutes
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