Norme dangereuse

Henri Sterdyniak  • 12 mai 2011 abonné·es

Ce projet de réforme constitutionnelle qui contraindrait les gouvernements à réduire, année après année, le déficit public pour aboutir à un solde nul est absurde, dangereux et antidémocratique. Les marchés financiers, les pays qui accumulent de fortes réserves de change (la Chine, l’Opep), les fonds de pensions, les compagnies d’assurances veulent détenir des masses énormes de titres publics car ce sont des actifs sans risques, à rendements garantis. Ils ont besoin de dettes publiques, donc de déficit. En même temps, ils ne veulent plus prêter qu’à des pays qui s’engagent à réduire leur dette. Ces exigences contradictoires ne peuvent que paralyser l’économie mondiale.

Tous les pays de l’OCDE ont en permanence un certain déficit public : depuis 1974, l’Allemagne n’a eu un solde public positif que deux années (1989 et 2007) sur 37 ; les États-Unis que trois années (1998, 1999 et 2000). Ce n’est pas un signe de laxisme généralisé ; c’est que le solde budgétaire compatible avec un niveau de demande satisfaisant, celui qui permet la production la plus forte possible compatible avec la stabilité des prix, est généralement négatif. En sens inverse, la réforme imposerait à tous les gouvernements futurs de se fixer un objectif irréalisable d’équilibre budgétaire, alors que les partis politiques devraient avoir le droit de proposer d’autres objectifs (le plein-emploi par exemple).

Que se passera-t-il si la croissance se révèle beaucoup plus faible que celle que prévue dans la loi-cadre en vigueur ? En principe, le gouvernement ne devrait pas avoir le droit de prendre des mesures de soutien à l’activité. Le Conseil constitutionnel devrait les censurer. Fin 2008, le FMI, le G20 ou la Commission européenne ont demandé aux pays d’entreprendre de telles mesures de soutien. Faut-il les interdire deux ans après ? La crise a bien montré qu’une politique budgétaire active était nécessaire. En période de faible demande, se fixer une norme, de dette ou de déficit public, ne peut se faire qu’au détriment de l’activité. Depuis 1999, l’expérience du Pacte de stabilité a montré que des normes arbitraires de finances publiques ne sont ni respectables ni respectées. Faut-il en rajouter d’autres ?

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