The Tree of Life, de Terrence Malick

Christophe Kantcheff  • 19 mai 2011 abonné·es

The Tree of Life marque une étape dans la prise en charge cinématographique du mysticisme et de la réflexion métaphysique, qui caractérisent le cinéaste. Jusqu’à maintenant, et en particulier dans le Nouveau Monde , son avant-dernier film (2005), Malick refusait l’abstraction. Tout l’arrière-plan philosophique devait s’inscrire dans une narration, des personnages et des affects, au risque d’alourdir le récit de symboles et de dialogues didactiques.

Certes, The Tree of Life garde une partie narrative importante, mais celle-ci, traitée pour elle-même, a valeur de parabole : dans le Texas des années 1950, une famille middle class est composée de trois garçons, un père autoritaire (Brad Pitt) et une mère compréhensive (Jessica Chastain). L’aîné des garçons, Jack, est particulièrement sensible aux brimades qu’impose son père. Son comportement change peu à peu, le gamin choisissant finalement de « faire ce qu’il déteste » , autrement dit le « Mal ». Tandis qu’un bouleversement dans la vie professionnelle du père va l’amener à reconsidérer la morale de la vie qu’il enseigne à ses enfants : « Il ne faut pas être trop gentil pour réussir. »

Cette histoire est en réalité un flash-back. On a appris au tout début que Jack est mort (suicide ?). C’est à partir de la douleur de la mère que le film développe sa partie résolument abstraite. Un voyage dans le temps (il y a même une scène, très remarquée, avec des dinosaures) et dans l’espace, dans le cosmos et le microscopique, le liquide, le solide, le végétal, etc., à travers des images souvent retravaillées à l’ordinateur et des musiques fortement lyriques, le tout atteignant quelque chose qui pourrait se nommer, sans ironie, le kitsch somptueux. Autrement dit, la recomposition symphonique de visions ou d’effets visuels rebattus, qui accompagne les interrogations mystiques que distille la voix off.

Ce n’est pas exactement un spectacle sidérant de beauté ou d’intériorité, mais c’est moins triste et plus assumé que les quelques plans de Sean Penn (qui pourtant partage le haut de l’affiche avec Brad Pitt) déboussolé dans une cité américaine high-tech , censé figurer le frère cadet de Jack à l’âge adulte.
Bref, The Tree of Life démystifie Terrence Malick, qui n’est plus un « dieu cinéaste », mais dont l’œuvre, cependant, reste d’une ambition singulière.

Culture
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