Un ver dans la pomme d’Apple

La multinationale américaine est pointée du doigt pour les conditions de travail de ses ouvriers après une contamination grave chez l’un de ses sous-traitants en 2008-2009. Ce samedi 7 mai, un « appel urgent » était lancé par des associations.

Lucie Legeay  • 9 mai 2011
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Un ver dans la pomme d’Apple
© Photo : AFP / Joerg Koch

Apple , le géant de la production de produits électroniques, est mis au banc des accusés. Son crime ? Les conditions salariales inhumaines que subissent ses employés en Chine. Samedi 7 Mai, quatre associations, dont une chinoises et deux françaises, se sont rassemblées derrière un « appel urgent » pour qu’Apple reconnaisse enfin ses responsabilités. Une « journée d’action mondiale », pour des conditions de travail décentes dans l’industrie de l’électronique.

L’entreprise à la célèbre pomme a réalisé un profit net de 5,99 milliards de dollars pour les trois premiers mois de l’année 2011. Pour autant, le salaire des ouvriers plafonne entre 124 et 206 euros mensuels, un niveau insuffisant pour vivre dignement. Selon Camille Bethoux, chargée de mission Dignité au Travail-Peuples Solidaires, ils accompliraient 40 heures hebdomadaires, auxquelles s’ajoute un quota de 18 heures supplémentaires obligatoires par semaine dû aux délais de fabrication souvent trop courts. La limite légale chinoise est de 36 heures supplémentaires par mois. «  Ce sont souvent de très jeunes travailleurs, qui viennent pour une bonne partie des provinces environnantes. Ils s’entassent dans des cités-dortoirs où les conditions sanitaires sont déplorables  », explique Camille Bethoux.

Un scandale a éclaboussé le groupe entre 2008 et 2009 : 137 salariés d’une usine de l’entreprise Wintek, un des fournisseurs d’Apple, ont été intoxiqués par du N-Hexane, un solvant utilisé pour nettoyer les écrans d’I-Phone et I-Pad. Ce produit, hautement toxique pour la peau, s’attaque également au système nerveux central et cause des lésions à très long terme. La négligence au niveau sanitaire est mise en évidence. La seule protection dont bénéficiaient les ouvriers ? De simples masques en papier, si bien «  qu’une des personnes intoxiquée est aujourd’hui complètement paralysée  », s’indigne Camille Bethoux. De son côté, Apple a payé les premiers soins des salariés intoxiqués puis leur a proposé la somme de 8.000 euros avec l’engagement de ne pas se retourner contre l’entreprise en cas de problèmes de santé récurrents. Seuls 22 employés ont refusé la proposition. «  Ils sont toujours embauchés par Wintek mais sont trimballés d’un hôpital à un autre. Leur état de santé ne cesse de se dégrader  », confie Camille Bethoux.

Le 22 Février dernier, Apple visite son sous-traitant. Le N-Hexane est remplacé par de l’Isopropanol et de l’acétone, et des ventilateurs ont été installés dans les locaux. Cependant, les nouveaux solvants s’avèrent eux aussi nocifs : mains moites, jambes en coton, fatigue constante et douleurs aux membres. Les employés ressentent des effets directs sans que les risques à long terme ne soient encore connus. Les revendications des travailleurs chinois, relayées par la Sacom (organisme d’universitaires chinois qui traque les entreprises violant les droits des travailleurs) concernent notamment une demande de prise en charge totale des soins, une revalorisation salariale à partir d’une réévaluation des prix unitaires des produits fabriqués, ainsi que des excuses publique de Steve Jobs, le PDG de la marque internationale. Elles sont restées vaines jusqu’à maintenant. «  Leur responsabilité s’arrête aux frontières, les entreprises ne peuvent pas être poursuivies juridiquement  » dénonce le collectif Ethique pour l’Etiquette, qui œuvre pour le respect des droits de l’homme au travail dans le monde. Les entreprises dont les chaînes de fabrication sont délocalisées bénéficient d’un principe « d’extra-territorialité » qui les placent sous les juridictions locales, qui n’offrent aucun recours possible aux salariés. De véritables zones de non-droit se sont ainsi créées. «  En l’absence de cadre de régulation, la marge de manœuvre est mince. Il faut prendre en étau ces entreprises et maintenir la pression  », conclut Camille Bethoux.

Sans culpabiliser le consommateur, les associations ont souhaité rappeler, ce samedi, que la santé des travailleurs à l’autre bout du monde est mise à mal. Mais l’indifférence des PDG de firmes comme Apple reste un mur difficile à fissurer.

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