La «taxe Tobin» en discussion à l’Assemblée

Une résolution pour la taxation des transactions financières est discutée ce jeudi à l’Assemblée nationale et au Bundestag allemand. Un consensus a été trouvé pour un prélèvement de 0,05 % sur toutes les transactions.

Erwan Manac'h  • 9 juin 2011
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La «taxe Tobin» en discussion à l’Assemblée
© Photo : AFP / An xin / Imaginechina

En apparence, le consensus est total : l’UMP a fait sienne une proposition de résolution socialiste qui invite le gouvernement à proposer une taxe de 0,05 % sur les transactions financières à ses partenaires européens. « Il faut moraliser le secteur financier et dégager de nouvelles sources de financement au service de l’intérêt général» , a défendu le député UMP Pierre Lequiller ce jeudi matin à l’Assemblée. « Il s’agit d’une disposition d’intérêt général » , insiste Noël Mamère, député EELV de Gironde, avant d’appeler à un vote unanime, comme un signe fort envoyé aux partenaires européens.

La courte résolution, en discussion ce jeudi à l’Assemblée et au Bundestag, découle d’un premier texte adopté par le Parlement européen le 8 mars dernier. Elle invite le gouvernement français à « présenter de manière conjointe avec nos partenaires européens, au plus tard lors du premier Conseil européen de l’automne 2011, une proposition législative visant à introduire une taxe sur les transactions financières ».

La proposition « la plus générale et la plus souple »

Mais cette résolution ne bouleverse pas les débats actuels. Depuis la crise financière de 2008, l’idée phare des altermondialistes s’est propagée dans sa version édulcorée, sans être pour l’heure traduite dans les actes. La droite défend une version légère, susceptible d’emporter l’adhésion des États européens. Techniquement, le taux de 0,05 % préconisé par la résolution ne devrait froisser personne. Il portera de façon indifférenciée sur l’ensemble des transactions, incluant les produits dérivés : c’est, comme la qualifie le député PS du Rhône Pierre-Alain Muet, l’option « la plus générale et la plus souple » possible qui séduira les pays européens.

Le texte proposé par le PS n’a pourtant été adopté le 31 mai en commission des Finances qu’avec les seules voix… de l’UMP. Les socialistes se sont abstenus, dénonçant un amendement de forme déposé par Pierre Lequillier, député UMP des Yvelines, qui visait à « appuyer la démarche engagée de longue date par le président de la République (…) à l’Europe et au G20 » . Une caresse à l’endroit de Nicolas Sarkozy, qui a multiplié les déclarations oratoires pour une « moralisation de la finance » depuis 2008.

La gauche devrait finalement voter ce texte pour envoyer un message fort, même si des critiques se font entendre contre la mollesse de la France, qui n’agira pas sans ses partenaires européens. « Une telle proposition législative devra être introduite au niveau de l’Union européenne, ou à défaut d’abord au niveau de la zone euro ou d’un groupe de plusieurs États membres de l’Union » stipule le texte. Les socialistes, de leur côté, défendent la pertinence de telles taxes à petite échelle, comme c’est déjà le cas dans sept États européens, dont la Grande-Bretagne. « Il est faux d’affirmer que ces taxes entraînent des fuites de capitaux » , analyse Jean-Marc Ayrault, député de Nantes et président du groupe socialiste.

Passée cette résolution toute symbolique, les discussions devraient donc s’engager au niveau européen à l’automne. Le FMI a émis un rapport en mars dernier appuyant l’idée d’une «taxe Tobin» mondiale (télécharger le rapport en anglais), pour attirer l’attention des pays du G20. Mais l’hostilité des États-Unis et des pays émergents rend improbable l’idée d’une telle mesure à l’échelle planétaire à court terme.

« Trop tôt pour se réjouir »

Les discussions se porteront aussi sur l’utilisation de la manne financière issue de cette nouvelle taxe. En France, 0,05 % d’impôt sur les transactions générerait 12 milliards d’euros affectés au budget national. « Une opportunité historique » , estime Pierre-Alain Muet.

L’association de lutte contre le sida Aides a salué cette proposition, expliquant que « le dixième du fruit annuel de cette taxe permettrait de tripler la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida. » L’association juge toutefois qu’il est « trop tôt pour se réjouir » et demande « que l’allocation soit allouée directement aux fonds de développement, sans se substituer à l’aide préexistante. »

Sauf énorme surprise, la résolution devrait être adoptée par l’Assemblée mardi 14 juin.

Illustration - La «taxe Tobin» en discussion à l'Assemblée

Rapport du FMI pour une taxation des transactions financières

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