Finalement, une Joly surprise

La primaire d’EELV a déjoué les pronostics : Eva Joly est grande favorite du second tour. Du côté de Nicolas Hulot, on y voit un signe de frilosité des militants, tandis que son camp se félicite d’un choix de radicalité.

Patrick Piro  • 7 juillet 2011 abonné·es
Finalement, une Joly surprise
© Photo : Huguen / AFP

C’était la veille de la proclamation des résultats du premier tour de la primaire d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). Quelques cadres de l’équipe rapprochée d’Eva Joly se morfondent de la défaite annoncée de leur candidate à l’investiture écologiste à la présidentielle de 2012, et s’interrogent sur leur capacité à s’investir dans la future campagne de Nicolas Hulot, vainqueur putatif, et peut-être même dès le premier tour : les sondages donnent alors près de deux tiers des intentions de vote à l’adversaire.

Au dépouillement des urnes, le 30 juin, Eva Joly frôle la majorité absolue, à 63 voix près (voir encadré).

La probabilité que Nicolas Hulot renverse la tendance au second tour est très faible : il faudrait qu’il mobilise en sa faveur les trois quarts des 8 000 inscrits qui n’ont pas voté au premier tour, au taux de participation déjà très élevé (77,3 %).

« On a déjà eu des surprises par le passé »  [^2], avance mollement le député Yves Cochet. Il incrimine le handicap de la trop courte campagne de son favori. Nicolas Hulot ne s’est en effet déclaré que début avril, et son camp espérait le report de la primaire à septembre. La bourde commise par Hulot au congrès de La Rochelle, le 4 juin dernier, a aussi alimenté des réticences chez les militants : il avait reconnu avoir esquissé un rapprochement avec Jean-Louis Borloo l’hiver dernier.

Ce vote traduit aussi une certaine frilosité des écologistes, estime Yves Cochet : « Hulot est brillant, mais les gens s’interrogent sur sa fidélité au programme d’EELV. Que Joly récite de manière plus orthodoxe, rassurant ceux qui jugent que le mouvement va trop vite. »

L’eurodéputé Jean-Paul Besset, conseiller politique de Nicolas Hulot, est plus critique encore : « C’est d’abord un vote de peur “anti-Hulot”, un coup de barre en arrière. Le signal envoyé à l’opinion, c’est que les écolos préfèrent rester dans le cercle des convertis. Ils proclament la radicalité, mais ils ne se donnent pas les moyens de sortir du rôle de supplétifs des socialistes en 2012. C’est très triste, un coup d’arrêt au travail accompli depuis cinq ans… »
Le camp Joly lit bien sûr le résultat d’une tout autre manière, se gardant de broder sur le thème de « l’excellente surprise ». « C’est avant tout une belle réussite de la primaire, que nous expérimentions pour la première fois , souligne l’eurodéputée Karima Delli. Avec 33 000 inscrits, alors que nous n’en attendions que 20 000, c’est un signe que le rassemblement écologiste se poursuit et s’amplifie. »

Les votants n’étaient encore que 12 000 avant La Rochelle. Difficile de soutenir que tous ces nouveaux venus expriment un repli identitaire. La possibilité de voter par Internet, et pour la modique somme de 10 euros, était réputée favoriser Nicolas Hulot, père d’un « défi pour la Terre » qui a recueilli près de 900 000 signatures électroniques, sur le site de sa Fondation pour la nature et pour l’homme.

« C’est donc un vrai vote politique, et c’est rassurant , commente Jérôme Gleize, qui a mené une motion lors du dernier congrès. Cette primaire a été présentée comme l’affrontement de candidats sans réelle opposition sur le fond – ce qui donnait une prime à Nicolas Hulot, dont la notoriété est la plus forte. Certains de ses amis ont qualifié le choix d’Eva de “vote affectif”. Ce qui n’est pas très respectueux : en toute connaissance de cause, les électeurs ont préféré l’écologie “de combat” de l’une à l’écologie “de pédagogie” de l’autre. Ils ont affirmé que l’écologie n’est pas une voie consensuelle, elle nécessite l’établissement de rapports de force sur le terrain politique. »

Le résultat est aussi une prime à l’aguerrissement. « Nicolas Hulot a fait une bonne campagne, convient-il. Il est cependant en phase d’apprentissage, son ancienne image prévaut encore dans l’esprit des gens. »
Le candidat espère vaguement le résultat du second tour, le 12 juin, pour voir si « c’est la fin du bizutage », et défend « que l’agressivité en politique n’est pas la meilleure manière de convaincre » [^3]. Une pique à son opposante pour les attaques qu’elle lui a portées.

« Elle aussi a reçu son lot de la part de cadres écologistes, nombreux, y compris à gauche du parti, à s’être déclarés pour Hulot , relève le député François de Rugy. Mais elle a su rebondir et démontrer une force de caractère qu’on lui connaissait en tant que magistrate. C’est une qualité essentielle pour une élection aussi dure que la présidentielle. »

Nicolas Hulot – dernière cartouche – fait assaut de bonne foi pour couper court à d’éventuelles suspicions. « Il ne fera rien contre l’intérêt global d’EELV » , affirme Jean-Paul Besset. Donc pas d’alliance avec un autre candidat, ni d’aventure solitaire. « Mais il ne se retirera pas non plus sur son Aventin. Son engagement politique est sincère, il a l’ambition de faire gagner l’écologie politique, pas d’apporter quelques voix de plus à la gauche. » Quid d’un éventuel poste de porte-parole de campagne d’Eva Joly, offre suggérée ? « Lui à la communication, et elle aux valeurs ? Allons, il faut être cohérent ! » , rejette Jean-Paul Besset. Pour le moment.

[^2]: En 2002, les Verts ont préféré Noël Mamère à Alain Lipietz, investi par les militants mais dont la campagne ne décollait pas.

[^3]: Entretien au Journal du dimanche, 3 juillet 2011.

Politique
Temps de lecture : 5 minutes

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