La Commission européenne veut taxer les transactions financières

Le projet de budget 2014-2020 pour l’Europe prévoit l’instauration d’une taxe des flux financiers. Une « victoire politique » pour Attac, qui craint pourtant un « pur effet d’annonce ». Retour sur un élément passé quasiment inaperçu.

Erwan Manac'h  • 8 juillet 2011
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La Commission européenne veut taxer les transactions financières
© Photo : AFP / Xie zhengyi / Imaginechina

Éclipsée par le crise grecque et les «rebondissements» d’une fameuse affaire politico-judiciaire aux États-Unis, une mini révolution a pointé le bout du nez en Europe. Dans son projet de budget pour la période 2014-2020, la commission européenne prévoit en effet la création d’une taxe de 0,1 % des actions et obligations et de 0,01% pour les produits dérivés échangés sur les marchés financiers européens.

Cette taxe minuscule générerait entre 31,5 et 54 milliards d’euros annuels, versés au budget de l’Europe. Soit un tiers environ des dépenses prévues par la communauté européenne (142 milliards en 2014 à 150 milliards en 2020).

Sur le principe, il s’agit d’une « victoire politique » pour Attac qui défend la taxation des transactions financières depuis 12 ans. Depuis la crise financière, l’idée s’est répandue jusqu’à Nicolas Sarkozy (dans le discours, au moins…) ou le Fonds monétaire international, qui remettait en mars 2011 un rapport favorable à la taxe dite « Tobin », du nom du prix Nobel d’économie James Tobin qui a popularisé l’idée en 1972.

Le parlement européen, le 8 mars, puis l’Assemblée française le 14 juin, adoptaient à leur tour des résolutions en faveur de ce principe. Le 30 juin, l’Italie adoptait même une taxe de 0,15 % sur les transactions financières qui doit générer 47 milliards d’euros annuels au profit d’un effacement du déficit budgétaire d’ici 2014… à la faveur d’une cure d’austérité draconienne.

Car en Europe, c’est bien de réduction du déficit qu’il s’agit. La « taxe Tobin » pourra « progressivement remplacer les contributions nationales et alléger la charge qui pèse sur les trésors publics nationaux » , précise [la note de communication de la Commission] datée du 29 juin 2011.

Les ministres français du budget et de l’agriculture vont dans le sens d’une taxe servant opportunément à soulager l’État :

« La France est ouverte à une discussion sur [une nouvelle taxe], à condition que ces ressources se substituent intégralement à des recettes existantes » , déclaraient les ministres jeudi 7 juillet dans un communiqué. La stabilisation de [notre] contribution au budget communautaire [est] indispensable. »

« Ca ne nous va pas du tout , peste l’économiste Jacques Cossart, membre d’Attac et co-rédacteur du rapport Landau sur la fiscalité internationale en 2003[^2]. Les ressources générées par une telle taxe doivent venir en addition du budget européen, qui est déjà ridicule. » Attac, qui conteste par ailleurs le délai « injustifiable » de 2018 (date de l’entrée en vigueur théorique du dispositif), craint le « pur effet d’annonce » dans un contexte d’austérité partout en Europe. « Le taux de 0,01 % est extrêmement faible , ajoute Jacques Cossart. Il faut intervenir plus franchement pour réduire les transactions financières. En dessous de 0,1%, ce n’est pas satisfaisant ».

«Discussions très difficiles»

La proposition de la Commission sera discutée lors d’ « une conférence interparlementaire avec les parlements nationaux » comme le demandait les députés européens. Et « les discussions vont être très difficiles » , d’après le commissaire européen à la fiscalité, Algirdas Semeta, qui s’exprimait le 1er juillet dans les Echos . Le Royaume-Uni, première place financière d’Europe, est très critique sur le projet de taxe et un budget qu’il juge « irréaliste », pointant aussi un projet de réforme de la TVA. Le projet de budget européen prévoit une réforme des rabais dont bénéficie la Grande Bretagne. Aux grands regrets du porte-parole du gouvernement britannique : « La proposition de la commission est incompatible avec les décisions difficiles prises dans les pays partout en Europe pour faire des économies budgétaires » , estimait-il le 29 juin.

Avec ou sans la «taxe Tobin», la rigueur devra donc rester la règle en Europe.

Illustration - La Commission européenne veut taxer les transactions financières

[^2]: Jacques Cossart contribue occasionnellement à Politis : voir ses articles.

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