Papandréou a tout faux

Tant face à la crise économique que dans l’affaire de la flottille pour Gaza, le Premier ministre grec donne une triste image de la gauche européenne.

Denis Sieffert  • 7 juillet 2011 abonné·es

Déjà confronté à la crise économique qui mine son pays, le Premier ministre grec, Georges Papandréou, est aujourd’hui empêtré dans l’affaire de la flottille pour Gaza. Son gouvernement vient d’interdire aux dix navires qui devaient prendre la mer pour tenter de forcer le blocus israélien de quitter le port grec. Seuls quatre navires étaient encore dans la course, lundi, pour tenter de gagner les eaux internationales : un Espagnol, un Canadien et deux Français, dont un, le Dignité, qui s’apprêtait à appareiller pour la Crête.

Les membres de l’équipage du navire américain Audacity of Hope, arraisonné vendredi par la marine grecque, ont entamé une grève de la faim, dimanche, devant l’ambassade des États-Unis. D’autres militants, rejoints par des passagers français, grecs et danois, ont manifesté devant le Parlement d’Athènes aux cris de « Laissez-nous partir ! Gaza, nous arrivons ! » . Avant l’interdiction officielle, un navire suédois avait été la cible d’un sabotage, et l’administration grecque avait multiplié les tracasseries administratives. Le gouvernement a indiqué qu’il était « principalement préoccupé par la protection de la vie humaine » . Le 30 mai 2010, une première flottille avait été attaquée dans les eaux internationales par les commandos israéliens. Neuf militants avaient été tués sur un navire turc.

Mais le raisonnement des dirigeants grecs est étrange. Au lieu de soutenir une opération destinée à vaincre symboliquement le blocus qui étouffe la population de Gaza depuis 2006, ils s’en prennent aux militants pacifistes. Certains militants ont accusé dimanche M. Papandréou d’avoir « vendu l’âme de la Grèce » , celui-ci répondant manifestement aux injonctions des autorités israéliennes.

Ce coup de main apporté par le gouvernement socialiste grec au gouvernement israélien d’extrême droite donne une terrible image de la social-démocratie européenne. Cette affaire intervient alors que M. Papandréou applique contre son peuple un plan de désendettement qui lui est dicté par le Fonds monétaire international et l’Union européenne. Un plan qui reporte de cinq ans l’âge de la retraite (jusqu’à 65 ans) et entérine la baisse des primes aux fonctionnaires, une augmentation de deux points de la TVA, et surtout la privatisation d’une grande partie de l’économie grecque, vendue ainsi aux intérêts privés, et notamment aux fonds de pension. Un plan qui a entraîné le pays dans la grève générale la semaine dernière.

Cette double soumission à la finance et, en politique étrangère, à Israël, à propos d’un conflit colonial qui constitue historiquement un marqueur identitaire pour la gauche, pourrait étonner. Car Georges Papandréou est actuellement président de l’Internationale socialiste. Ce fils et petit-fils de Premier ministre grec, formé au Canada et aux États-Unis, rentré au pays en 1974 après la chute du régime des Colonels, est en train de symboliser jusqu’à la caricature la dérive de la social-démocratie européenne.

En proposant « d’entreprendre le transport de l’aide humanitaire avec des navires grecs ou d’autres moyens appropriés » , le gouvernement grec feint d’ignorer l’enjeu de la flottille, qui est d’attirer l’attention du monde sur le blocus qui vise la population de Gaza. En fait, la Grèce n’a fait que relayer la proposition d’Israël d’acheminer l’aide humanitaire à Gaza.

Il ne s’agit évidemment pas de faire parvenir une fois par an une aide qui sera, de surcroît, filtrée par les autorités israéliennes. Il s’agit de faire cesser un blocus criminel contre toute une population. On est donc curieux d’entendre les réactions des gouvernements, et plus encore des partis socialistes, européens à propos de l’attitude du Pasok (Mouvement socialiste panhellénique) et de son principal dirigeant.

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