Pinocchio (nous) fait la morale

Sébastien Fontenelle  • 7 juillet 2011 abonné·es

B(ernard)-H(enri) L(évy), dont les ami(e)s & affidé(e)s vont ces heures-ci roucoulant (sous ses fenêtres) que ça serait bien qu’on lui reconnaisse maintenant le (rare) courage dont il a dans « l’affaire DSK » fait preuve (en piaulant tôt que tout le truc sentait fort le complot), BHL, disais-je, (nous) raconte à présent qu’il faut que, dans cette affaire, la justice yankee mène jusqu’à leur terme ses investigations, puis nous dise combien la pute la plaignante a menti, l’infecte salope.

Dit par lui, ça donne : « Il continuera d’y avoir une affaire Strauss-Kahn tant que ne sera pas établi qu’il n’y a jamais eu d’affaire du tout – et que la plaignante, non contente d’avoir menti sur tel ou tel aspect de son passé, a également menti en accusant l’ancien patron du FMI de l’avoir violée » – et bring me back the head of that fucking bitch domestique.

Il est comme ça, BHL : doté, pour les autres, d’un solide sens de la honte.
Ça le dépermanentise, qu’on puisse mentir : le mec est à fond pour qu’on latte, jusque dans les recoins, celles et ceux qui ne diraient pas que la vérité, toute la vérité, rien que la vérité – sauf, bien sûr, en certains particuliers cas, dans lesquels, nonobstant qu’il professe en général cette furieuse envie d’exactitude, sa tolérance aux menteries, soudain, monte d’un cran.

Par exemple, quand BHL fait pour le Monde, au plein chaud de l’été 2008, le récit des horribles « choses » qu’il a « vues » dans la Géorgie en guerre, et rapporte qu’il est entré dans Gori –  « pas au centre-ville » , certes, mais dans Gori –, et qu’il a vu là des « incendies à perte de vue » , et que Gori était « brûlée. Pillée. Réduite à l’état de ville fantôme. Vidée » , ce n’est pas complètement exact.

C’est même complètement bidon, puisque en vrai il n’est jamais entré dans Gori – et n’a donc pas (du tout) vu flamber la ville, mais bien plutôt des champs : « Essentiellement des champs » , confessera-t-il, poussé dans ses retranchements par d’effrontés journalistes [^2].

Itou, quand BHL assure que les éditions La Découverte ont publié un livre qui rappelle « Louis-Ferdinand Céline dans ses pires accès d’antisémitisme »  : c’est faux (il s’agit en réalité d’un ouvrage sur le lobby pro-israélien aux États-Unis, dans lequel on chercherait en vain la moindre trace de racisme) et singulièrement dégueulasse – mais bien dans le ton d’un personnage qui a des fois, sans doute l’as-tu notu, cette pénible tendance à traiter de nazi qui ne pense pas comme lui.

Et en même temps, pourquoi se gênerait-il, BHL – puisque aussi bien il sait que jamais ses divagations ne seront sanctionnées ?
Pourquoi se priverait-il de faire au petit personnel des grands hôtels des leçons de parler-vrai, puisqu’il peut quotidiennement vérifier que ses propres bobards sont couverts par une impunité permanente – et jamais ne dissuadent ses ami(e)s et affidé(e)s de lui chanter qu’il est courageux, et puis-je encore vous lécher, Maîîître, merci, Maîîître.

[^2]: De chez Rue89.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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