« La Guerre est déclarée » : Armés de fantaisie

Avec « La guerre est déclarée », Valérie Donzelli signe un film enthousiasmant avec un sujet pourtant grave : le cancer d’un enfant.

Christophe Kantcheff  • 1 septembre 2011 abonné·es

La lutte contre la maladie très grave d’un enfant peut donner lieu à un enchantement. Attention : au cinéma seulement. Parce que le cinéma et la vraie vie, ce n’est pas la même chose, n’en déplaise à ceux qui confondent tout — et qui trouvent même parfois que ce que l’écran montre est plus dangereux que la réalité.


La guerre est déclarée, deuxième film de Valérie Donzelli, coécrit avec Jérémie Elkaïm, est donc une fête. Tous deux se sont inspirés de ce qui leur est arrivé dans la vraie vie : la dure épreuve qu’ils ont traversée avec leur fils, qui fut atteint d’une tumeur maligne au cerveau. Depuis, celui-ci est hors de danger — il apparaît même dans le film, interprétant le petit Adam à 8 ans.


Ce n’est qu’à cette condition, bien sûr, que Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm ont pu écrire et interprété La guerre est déclarée avec autant de distance et en y instillant humour et légèreté.

La guerre est déclarée est même un film qui déjoue les « lois » du fatalisme, les poisons du pessimisme. Dès la première scène, cette direction-là est affichée. Elle et lui s’aperçoivent pour la première fois dans une soirée, ils se font des signes, il lui envoie de loin une cacahuète qui lui arrive pile dans la bouche — le conte est lancé. Puis ils se retrouvent face à face et savent qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Ils vont filer le parfait amour. Même s’ils se nomment… Roméo et Juliette !

Adam naît et, peu à peu, les deux jeunes parents inexpérimentés vont prendre conscience que quelque chose ne tourne pas rond. La grande force du film est d’avoir réussi à garder un ton de fantaisie sans édulcorer ni euphémiser la maladie, l’aléatoire réussite des thérapies, la menace constante du pire. Fantaisie plus encore que comédie, au sens où Valérie Donzelli ne s’interdit aucun des moyens du cinéma — même les plus surprenants — pour exprimer tous les sentiments qui traversent Roméo et Juliette, leur indéfectible résolution à ne jamais se laisser aller au désespoir et à l’angoisse, et l’immense amour dont ils font preuve l’un pour l’autre au cours de ces moments terribles. Si les personnages se raccrochent aux possibilités de la médecine, et à la qualité des médecins et des personnels de l’hôpital public — salués au générique de fin –, Valérie Donzelli, elle, fait preuve d’une foi revigorante dans le cinéma.


Le scope, les surimpressions, les scènes syncopées (mais pas survitaminées), les gags, la musique — Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm interprètent une chanson « in », la BO est très riche –, certains effets visuels qui font songer à la BD, d’autres aux clips… le film fait feu de tout bois. Peut-être un peu trop parfois, mais jamais pour masquer un manque de tension ou de rythme. Plutôt en raison d’une inventivité gourmande, d’une envie d’essayer, du plaisir de ne pas se borner, de ne pas se limiter, et cela dans un cinéma français aujourd’hui trop souvent serré aux entournures.


Oui, avec un tel sujet, La guerre est déclarée est une fête cinématographique, même si les larmes et l’émotion qui étreint ne sont pas exclues. Sans sensiblerie, sans niaiserie, sans chantage à l’affect, ce film est un manifeste du bonheur d’être en vie. Une rareté.

Culture
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