Politis et la crise libyenne

Le 24 mars dernier, nous avons titré à propos de l’intervention occidentale en Libye : « la guerre du moindre mal ». Retour sur un dilemme.

Denis Sieffert  • 1 septembre 2011 abonné·es

On peut affirmer aujourd’hui que le régime de Mouammar Kadhafi est tombé. Même si l’homme qui en fut l’incarnation et le symbole reste introuvable. Mais l’histoire du soulèvement qui a conduit à sa chute ne correspond à aucun schéma connu ni à aucune prévision. Cela tient d’abord aux caractéristiques de cet immense pays, dont la population, toujours très influencée par sa structure tribale, est essentiellement concentrée autour de deux « capitales » distantes de près de mille kilomètres. Ces sept mois de révolution ont été marqués par une lente et chaotique progression vers l’ouest des rebelles de Benghazi, foyer du soulèvement, jusqu’à la conquête de Tripoli. Une histoire d’avancées et de reculs qui n’aurait pas été victorieuse sans l’intervention occidentale.


Souvenons-nous que le 19 mars les avions et les chars de Kadhafi étaient sur le point de reprendre possession de Benghazi, dont les faubourgs étaient la cible d’intenses bombardements. La population de la métropole orientale de la Libye, bientôt soutenue par la Ligue arabe, a alors demandé l’intervention de l’ONU. Il ne s’agissait pas, à cet instant précis, de s’interroger sur la probable récupération de cette situation par les puissances occidentales, ni sur les motivations politiques de Nicolas Sarkozy et de David Cameron, les deux chefs d’État ou de gouvernement les plus en pointe dans cette affaire, ni sur le passé des membres du Conseil national de transition. Il s’agissait de la réponse à une question qui s’accommodait peu de présupposés idéologiques : pouvait-on laisser écraser la population de Benghazi sous les bombes de Kadhafi ? Le pouvait-on pour les Libyens, mais aussi pour les autres peuples arabes aux prises avec une dictature ?


Politis, dans son édition du 24 mars, a répondu « non » à ces questions. Nous avons expliqué notre position sous le titre « la guerre du moindre mal ». Toutes les solutions qui se présentaient alors étaient fort éloignées de ce que l’on pouvait espérer.
Nous avons pris cette position sans naïveté et, il va sans dire, sans enthousiasme. Lorsque, comme il était prévisible, le mandat de l’ONU a été détourné pour transformer « la protection de la population » en opération visant à abattre Kadhafi, nous l’avons dit. Mais, entre le risque de ce dévoiement et l’abandon d’une population à la folie d’un dictateur, nous avons choisi. Avec le recul, nous assumons plus que jamais ce choix. Qui sommes-nous d’ailleurs, là où nous sommes, pour refuser une intervention quand tout un peuple la demande ?

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