Romain est en colère

Il s’est retrouvé en charge de deux 6e et deux 5e dans un collège à Lille sans aucune préparation au métier. Gros stress.

Ingrid Merckx  • 1 septembre 2011 abonné·es

Romain Ragonnet a effectué sa première rentrée en tant qu’enseignant stagiaire en septembre 2010. Il venait de décrocher le Capes, à 22 ans, et n’avait fait « que des maths dans sa vie ». Il se retrouvait pourtant en charge de deux 6e et deux 5e pour un poste à temps plein dans un collège de Lille.

Une semaine avant, il ne savait pas encore où il serait affecté ni quel(s) niveau(x) il aurait. « Lors de la journée de bienvenue organisée par l’académie, on nous a confié un DVD de méthodologie. Je ne l’ai même pas regardé, c’est absurde de penser qu’on puisse apprendre quelques “astuces magiques” de cette manière. »


Romain ne « s’attendait pas à être jeté dans l’arène comme ça ! » :* 18 heures de cours devant une classe comme prof titulaire sans avoir été préparé au métier… Ce traitement l’a « choqué » puis « mis en colère »  : « On n’apprend pas à enseigner ! » Il voyait le coup venir depuis la licence. « Il y avait eu plusieurs mouvements de protestation. Aucune écoute de la part du ministère… » Il s’en est sorti, estime-t-il, parce qu’il était dans « un établissement avec des classes pas trop dures ». Tous ses collègues qui démarraient dans des établissements difficiles auraient démissionné. « J’ai aussi eu la chance d’être bien encadré par ma tutrice dans le collège. Finalement, la seule formation que j’ai reçue, ce sont ses conseils… »


Suivez le guide Une semaine avant la rentrée, ils ne savent pas quelle classe ils vont avoir. Mais ils connaissent par cœur le Guide des stagiaires distribué par leur académie. À la rentrée 2010, Le Café pédagogique avait publié son propre guide en faisant un tour des sites utiles aux débutants : Tenue de classe (officiel, porté sur l’autorité) ; Néo Pass (ouvert par l’INRP, situations de classe commentées en vidéo) ; Pedago Psy (par le psychologue et enseignant Jacques Nimier). Voir aussi les sites de François Muller, Philippe Meirieu, Yvan Raymond, Alain Granier (Segpa), Enseigner en Clis (http://clis12.free.fr), ou encore La boîte à outils pédagogique de Christelle Charrier (http://chris.char43.free.fr). Par ailleurs, des enseignants de sciences éco proposent un « programme de contournement » (www.apses.org) pour « lutter contre les défauts du programme officiel ».

Fin mars, Romain bénéficie de trois semaines de formation orchestrées par les inspections académiques : « J’enseignais déjà depuis sept mois ! Et puis concentrer trois semaines de théorie avec des cours tels que “Gérer la diversité des élèves” sans pouvoir prendre du recul et mettre en pratique en classe, ce n’est pas la meilleure méthode ! Et pendant ce temps, on était remplacés dans nos classes par des étudiants même pas titulaires du Capes. On les a tous un peu accompagnés. Si bien qu’on n’a même pas pu se consacrer entièrement à notre formation… »
 Romain n’est pas près d’oublier le rythme « effréné » qu’il a vécu entre septembre et décembre : « Je n’avais aucune idée de ce qu’il fallait faire et ne pas faire… » Il dit « l’importance de garder son calme »  : « Après une heure de cours agité, mieux vaut prendre cinq minutes sur le suivant pour retrouver de bonnes conditions de travail plutôt que d’enchaîner. Les élèves sentent tout, tout de suite… »


À la rentrée, direction Toulon, où Romain jouera les remplaçants : comme il débute, il peut énoncer des préférences lors d’une mutation, mais le système par points fait que les jeunes enseignants sont affectés aux postes les moins demandés. Pour un salaire net de 1 610 euros par mois. Il ne sait pas encore s’il aura des 6e, des terminales scientifiques ou des BTS. Il insiste : « Il faut former les enseignants à la pédagogie, pas seulement à la matière… »
 I. M.

Publié dans le dossier
Les jeunes profs au casse-pipe
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