À contre-courant / Crise économique : un feuilleton à épisodes

Gérard Duménil  • 13 octobre 2011 abonné·es

Quatre ans déjà sont passés depuis qu’en août 2007 sont apparus les premiers symptômes de la crise. En mars 2008, la banque centrale états-unienne donnait à son soutien au système financier une ampleur sans précédent, peu de chose, cependant, en comparaison de ce qui se préparait à l’automne lorsque certaines grandes institutions financières firent faillite ou l’évitèrent de peu. La crise s’exportait alors au reste du monde. Aux États-Unis, le creux de la récession fut atteint au second trimestre de 2009. Les économistes commencèrent alors à parler de la crise au passé, d’autant plus que beaucoup de pays émergents retrouvaient une croissance forte.
Les masses de crédits déversées et les déficits budgétaires avaient donné les résultats escomptés. « Vive Keynes ! », proclamaient certains, et bien d’autres le pensaient sans le dire.

Au cours de l’été 2011, l’hypothèse d’un nouveau plongeon est couramment mise en avant. De même que le premier épisode de la crise fut incompréhensible aux théoriciens de l’économie dominante, celui dans lequel nous entrons leur reste mystérieux. « Normalement », selon la norme keynésienne, « les politiques étatiques de soutien de l’activité auraient dû permettre aux économies de retrouver une capacité autonome à croître », c’est-à-dire à progresser ou, au moins, à se stabiliser sans le soutien des déficits publics. Or, il apparaît que, malgré le passage du temps, cette capacité n’a pas été retrouvée ! On ne s’interrogera pas ici sur les causes de cette incapacité. Les raisons en sont profondes et touchent aux intérêts des plus puissants. Elles sont loin de faire l’unanimité, même au sein de la gauche radicale. Par contre, les conséquences de cette situation sont bien connues. Les déficits conduisent à la croissance des dettes publiques ; si ces politiques sont poursuivies durablement, la hausse de l’endettement ne connaît pas de bornes. Et c’est là où nous en sommes des deux côtés de l’Atlantique.

La gestion de ce second épisode de la crise est un casse-tête. Faute de pouvoir remédier aux causes du mal, les gouvernements tentent d’en corriger les effets en coupant les dépenses des États. Mais les tenants de ces politiques déflationnistes ignorent, ou font semblant d’ignorer, la leçon enseignée par le premier épisode : en l’absence des déficits, les productions s’effondreraient. Comment, dès lors, vouloir les couper ? Ainsi les politiques actuelles mèneront-elles à un nouveau plongeon des productions. Ce n’est pas mépriser la crise de 2008 que d’affirmer que les choses deviendront alors sérieuses.
Les États-Unis et l’Europe entreront ainsi dans le troisième épisode de la crise. Face au premier, les vieilles recettes keynésiennes ont pu être utilisées. Le second a commandé le retour aux vieilles recettes de la droite. Le troisième posera un problème bien plus aigu, et on voit mal à quelle figure de la pensée économique les gouvernements pourraient se vouer. Il faudra toucher aux règles sacro-saintes du néolibéralisme, notamment en matière de commerce extérieur et d’investissements étrangers. On peut risquer ici le pronostic suivant : la gestion du troisième épisode de la crise sera désordonnée, voire chaotique.

Économie
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