Plaies d’argent

Nombre d’hôpitaux publics sont victimes des prêts à hauts risques.

Thierry Brun  • 13 octobre 2011 abonné·es

Les hôpitaux sont-ils menacés d’asphyxie financière ? Oui, si l’on en croit les syndicats et… la Cour des comptes. À Lille, le syndicat SUD Santé-sociaux a fait le calcul : le montant des intérêts de la dette « toxique » de dix établissements hospitaliers de la région Nord-Pas-de-Calais a atteint 26,7 millions d’euros. À lui seul, le centre hospitalier d’Arras cumulait 120 millions d’euros d’emprunts à risques en 2009, ce qui représentait 73 % de l’encours de sa dette, selon la Cour des comptes. Au total, « les intérêts de cette dette représentent l’équivalent de 10 800 mensualités de salariés contractuels à l’hôpital » , estime le syndicaliste Vladimir Nieddu.
En France, les établissements victimes de ces prêts toxiques sont nombreux : 66 hôpitaux seraient touchés par des emprunts contractés entre 1995 et 2009 auprès de la banque Dexia crédit local (DCL), acteur majeur de ces produits à risques. Ainsi, le total des emprunts des hôpitaux s’élève à 964 millions d’euros pour un surcoût estimé à 115 millions. Plus préoccupant encore, le montant de la dette : il atteignait 21,7 milliards d’euros en 2009, selon la Cour des comptes, soit près de 40 % de la dette des administrations de la Sécurité sociale.

D’où vient ce niveau élevé d’endettement ? Dans un premier temps, la privatisation puis la fusion du Crédit local de France et du Crédit communal de Belgique donnent naissance à la banque Dexia, qui se convertit à une logique de marché. Elle propose alors des produits financiers complexes aux hôpitaux, soumis à de nouvelles exigences de rentabilité dans les années 2000. Mais c’est surtout avec la mise en œuvre du plan Hôpital 2007 que l’endettement des hôpitaux augmente fortement. Ce plan accélère leur privatisation en les poussant à adopter des critères de gestion du privé.

Déjà très fortement endettés, les hôpitaux n’ont eu d’autre choix que de recourir à l’emprunt auprès de banques privées, comme Dexia. Et le gouvernement a persisté dans cette voie très libérale avec la mise en place de la réforme de l’hôpital de 2009 (loi HPST) et le lancement du plan Hôpital 2012.

Plus récemment, il a même envisagé d’amputer les crédits des hôpitaux publics à hauteur de 442 millions d’euros dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012. Cette politique de privatisation larvée de l’hôpital se traduit par une augmentation considérable des restes à charge pour les patients. « La santé de la population est devenue l’otage d’un racket institutionnalisé qui pénalise les malades et le personnel hospitalier » , commente Vladimir Nieddu.
De son côté, la Cour des comptes a jugé le niveau d’endettement « très préoccupant » dans certains centres hospitaliers, et parle de « spirale déficitaire » pour d’autres.

Santé Économie
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