L’autre économie en campagne

Alors que s’ouvre le mois de l’économie sociale et solidaire, le secteur, riche de ses 2,3 millions d’emplois non délocalisables, a de plus en plus d’arguments pour se faire entendre par les candidats.

Pauline Graulle  • 4 novembre 2011 abonné·es

Novembre, depuis quatre ans, préside à l’inauguration du Mois de l’économie sociale et solidaire (ESS). Cette année, c’est aussi la rampe de lancement des acteurs de l’ESS, décidés à s’inviter dans la campagne présidentielle. « À vrai dire, on n’a pas vraiment besoin de “s’inviter”. Vu les circonstances, ce sont les gens qui attendent de nous des alternatives » , estime Guillaume Légaud, directeur général du Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale (Ceges).

Côté associations, mutuelles ou coopératives, il s’agit, avant mai 2012, de s’organiser pour « sortir du discours déclamatoire » – dixit Guillaume Légaud. Et d’interpeller les futurs candidats. « Douze propositions de l’économie sociale et solidaire » seront présentées par le Ceges le 7 novembre, à l’occasion d’un échange avec les représentants des différents partis, du Front de gauche à l’UMP.

Au programme : remettre l’économie au service des personnes – et non plus de l’argent –, et partager les richesses produites. Deux axes déclinés en revendications : intégration des employeurs de l’ESS dans les instances de dialogue social, reconnaissance de la spécificité des services sociaux d’intérêt général dans les règles d’accès aux marchés publics, ou création d’une loi-cadre pour mieux définir le cadre juridique et les moyens d’actions de l’ESS…

En pleine crise économique, « l’ESS apparaît de plus en plus comme une vraie alternative à la société capitaliste » , estime Jean-Louis Cabrespines, président du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale (CNCRES), qui dénonce les atteintes du gouvernement au secteur mutualiste via la taxe sur les complémentaires santé, et les baisses de subventions accordées aux associations.

« Nous sommes le maquis d’une nouvelle résistance à ­l’inacceptable inégalité de ce monde ! , s’enthousiasme Claude Alphandéry, ancien résistant et président du Labo de l’ESS. L’ESS peut être la source d’une autre économie. Reste à réussir à la faire reconnaître comme force de transformation et non comme seulement une force de réparation. »

Côté politiques, le message est, semble-t-il, de mieux en mieux compris. « Quand l’économie “avec un grand E” s’écroule, un secteur qui représente 2,3 millions d’emplois non délocalisables apparaît soudain beaucoup moins anecdotique , ironise Guillaume Légaud. Les politiques commencent à nous regarder autrement. »

Entre le développement des services à la personne et le financement de la protection sociale par les assurances et les mutuelles, le secteur est de toute façon voué à occuper une place de plus en plus importante. Pour l’instant, néanmoins, « on attend toujours que les partis prennent réellement position, qu’ils s’engagent » , ajoute Guillaume Légaud, qui dit vouloir discuter avec l’ensemble de l’échiquier politique.

Certains partis sont plus avancés que d’autres. Selon Gérard Andreck, président du Ceges, le gouvernement « a essayé de nous endormir avec le rapport Vercamer »  [remis en avril 2010 au Premier ministre, François Fillon, par le député éponyme du Nord, NDLR]. Quant à Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités, elle a beau annoncer qu’elle va « poser les premiers jalons » d’une loi définissant et encadrant l’ESS, les acteurs du milieu sont persuadés qu’aucun changement majeur n’aura lieu avant la prochaine mandature.

En attendant, on se prépare. « Nous avons mis en place des groupes de travail dédiés aux questions d’ESS » , explique Sylvie Mayer, membre du conseil national de campagne du Front de gauche. Quatre axes de réflexion : le devenir des banques à statut coopératif et mutualiste, les conditions de travail dans l’économie sociale – et l’économie « traditionnelle » –, la vie associative (statut des salariés, bénévoles…), les questions concernant la propriété de l’entreprise – ou comment favoriser la reprise des sociétés par les salariés. « L’expérience de l’ESS doit nourrir l’alternative politique, et inversement. Il faut que tout cela se croise » , insiste Sylvie Mayer.

Cela semble déjà bien parti : « Depuis deux ou trois ans, l’ESS est intégrée dans les schémas régionaux des politiques publiques, se félicite Christiane Bouchart, spécialiste de l’ESS à Europe Écologie-Les Verts. Elle est présente à tous les niveaux de territoire. » Reste à conquérir l’échelon national.

Économie
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