Nettoyage façon Hollywood

Christine Tréguier  • 24 novembre 2011
Partager :

Le 16 novembre, le Congrès américain débattait du Stop Internet Piracy Act (Sopa), une proposition de loi téléguidée par Hollywood pour combattre le piratage et la contrefaçon. Un texte qui suscite de si nombreuses critiques que le 16 novembre s’est transformé en Journée américaine de la censure pour inciter les internautes à se mobiliser.

C’est la seconde proposition de loi du genre. Présenté en mai devant le Sénat, le Protect IP Act n’a finalement pas été voté. Sopa reprend peu ou prou les mêmes mesures en les aggravant. Son objectif : faire disparaître les sites « en infraction ou facilitant les infractions » aux droits de propriété intellectuelle. Sur simple décision du procureur et sans débat contradictoire, les registrars (ceux qui enregistrent les noms de domaine) et les FAI seront tenus d’invalider les sites hébergeant des contenus illégaux, les moteurs de recherche devront les déréférencer, les prestataires de paiement comme Paypal ou Visa devront suspendre les transactions, et les régies publicitaires, s’abstenir de passer contrat avec eux. Un nettoyage radical dont les limites restent floues. Mais ce n’est pas tout. Les ayants droit pourront également, sans passer par un magistrat, exiger la cessation de toute transaction financière avec un site leur portant atteinte.

La levée de boucliers a été générale. Des représentants démocrates et républicains ont dénoncé les effets négatifs de Sopa sur l’emploi et l’innovation. Une centaine de juristes ont écrit une lettre au Congrès expliquant que les imprécisions de ce texte étaient sources de nombreux risques. Des sites tout à fait légaux où figurent des liens « facilitant les infractions » risquent la censure. Il y a atteinte à la liberté d’expression et au droit à un procès équitable. La saisie du nom de domaine menace la stabilité et la sécurité du système d’adressage de l’Internet. Ils rappellent que «  les ayants droit disposent déjà d’un large éventail d’outils pour remédier au problème [de contrefaçon]. On ne devrait pas ajouter à cette liste le pouvoir de casser Internet   ».

Mêmes inquiétudes chez les associations de défense des libertés. Signataire avec une dizaine d’ONG d’une lettre au congrès, l’EFF (Electronic Frontier Foundation) estime que la loi Sopa menace directement les réseaux sociaux et tous les sites auxquels participent les internautes. Elle revient sur un consensus établi – la non-responsabilité des intermédiaires techniques – et les oblige à une surveillance constante des contenus pour éviter de coûteuses actions en justice.

Les grands acteurs d’Internet comme Facebook, Google, Twitter, eBay, Yahoo, AOL and Mozilla s’opposent eux aussi à ce que certains nomment déjà le « great firewall » américain. Le 16 novembre, ils se sont offert une pleine page dans plusieurs journaux pour le dire : « Nous craignons que ces mesures représentent un risque sérieux pour l’innovation et la création d’emplois dans notre secteur et pour la cybersécurité du pays. »

Voir le site de l’EFF (en anglais) : [https://www.eff.org/->https://www.eff.org/] _ Un article d’OWNI http://owni.fr/2011/11/14/etats-unis-preparent-fin-internet-pipa-sopa-protect-ip-act/
Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don