Une ‘tite colle …

… pour le week-end ?

Bernard Langlois  • 5 novembre 2011
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[Jusqu’à lundi soir pour trouver à qui appartiennent ces lignes, et de quel ouvrage je les ai tirées.]

« En 1974, le monde gauchiste sonnait la retraite, un à un les bastions étaient abandonnés. Et en premier lieu les bars et les lieux publics et culturels. Les cafés de la place du Capitole ont été réoccupés par la jeunesse chic de la ville … Les théâtres par les fonctionnaires subventionnés … La littérature par les renégats … Le journalisme par les opportunistes …

« Il n’y avait pas moins de luttes. Oh non, bien au contraire, car cela constituait justement le prétexte des rats pour quitter le navire. L’horizon s’assombrissait de rancœur et de violence. Pour passer le cap, certains appelaient à l’action clandestine. Et d’un autre côté, la folle espérance d’un bouleversement immédiat et radical s’estompait. Il n’y avait plus d’envolée lyrique.

« L’Etat dans son ensemble (c’est-à-dire y compris le personnel politique des fachos aux gauchos bon chic bon genre, tout le personnel de la propaganda et de leur culture … and so onand so on ) dressait un mur incontournable vers lequel, poussés par la vague (la Ola dont parlait le Che), on se dirigeait à grande vitesse.

« Le décompte de l’impact était déjà bien entamé. Ou nous le brisions, ou s’en était fait pour longtemps de toute idée de libération dans nos pays impérialistes et au-delà, car la résistance ici est indispensable à la libération ailleurs.

« La Gauche prolétarienne s’était dissoute en appelant à la lutte à la base. Cela accéléra la débandade. Surtout chez ceux n’attendant qu’un prétexte, car ils avaient trop de choses à perdre dans la poursuite du combat (leur survie de cloporte, leur liberté châtrée et salariée, leur treizième mois, leur renommée, leur boutique, tout ce qui était à eux en propre, en fait de petites vies de rien du tout).

« Nous avions appris les premiers suicides … »

——

[Dimanche 16 H. : Inutile de vous faire chercher plus longtemps, la réponse a été trouvée : il s’agit bien de Jean-Marc Rouillan [^2], qui publie chez Agone le tome trois de ses mémoires.

Illustration - Une 'tite colle …

Ce volume porte sur la période qui précède l’aventure sanglante d’Action Directe, quand toute une jeunesse (notamment à Toulouse), liée par l’Histoire à la guerre civile espagnole et à la Retirada, solidaire des militants antifranquistes emprisonnés, torturés, garrottés par le régime du Caudillo, se reconnaît dans l’action des Gari, dont Rouillan est un des piliers. Quoi qu’on pense du bonhomme et de la suite de son parcours, la sincérité de son engagement révolutionnaire, payé cash et cher, ne fait aucun doute. Son talent de conteur non plus : De mémoire (3), La courte saison des Gari, Toulouse 1974 [^3], est un récit picaresque, une cavalcade haute en couleurs, qui évoquera aux vieux soixante-huitards dans mon genre bien des souvenirs d’une époque révolue ; et éclairera les jeunes « indignés » d’aujourd’hui sur les indignations d’hier …]

[^2]: qui “occitanise” aujourd’hui son prénom en Jann-Marc.

[^3]: Agone, 350 p., 22 €.

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Temps de lecture : 3 minutes
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