2000 : la bulle Internet

Denis Sieffert  et  Thierry Brun  et  Jeanne Portal  • 22 décembre 2011 abonné·es

Souvent, les krachs boursiers ont pour genèse une innovation majeure qui provoque la frénésie spéculative des investisseurs. Dans les années 1990, le développement d’Internet crée une véritable euphorie sur les marchés financiers, jusqu’à créer une « bulle Internet ». Mais ces investissements souvent hasardeux et cette spéculation n’auraient pu avoir lieu sans une politique de ­déréglementation et de privatisation qui a ouvert le marché des télécommunications. Une politique qui s’est concrétisée par l’ouverture à la concurrence ratifiée dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). À partir de là, l’engouement pour les « start-up » fut tel que certains disent qu’il suffisait d’ajouter « .com » au nom d’une entreprise pour qu’elle trouve des financements.

« Jeune pousse » prometteuse, Yahoo incarne toute la démesure de cette bulle spéculative. Créée par deux étudiants de Stanford, David Filo et Jerry Yang, Yahoo est à ses débuts, en 1994, le préambule d’un moteur de recherche : les jeunes gens programment leur ordinateur commun pour accéder plus facilement à leurs sites préférés. Puis tous les étudiants de l’université font de même. À son entrée en Bourse, en 1996, le titre de la société vaut 13 dollars. Trois ans plus tard, il culmine à 222 dollars. Et la valeur boursière de Yahoo ne cesse de grimper : dès 1996, la société réussit à lever 35 millions de dollars alors que son chiffre d’affaires est seulement de 1,4 million et qu’elle ne fait encore aucun profit.

Sur ce marché virtuel, les ordres de grandeur sont complètement modifiés. À titre d’illustration, Microsoft pèse en Bourse plus que General Motors, et une société comme AOL dépasse Disney alors que le chiffre d’affaires de la première est dix fois moins élevé. Le point culminant de cette bulle Internet se situe le 10 mars 2000, lorsque l’indice des valeurs technologiques du Nasdaq atteint 5 050 points, alors que dix ans plus tôt il était de 330 points.
Dans un discours donné devant l’American Entreprise Institute, l’ancien responsable de la Federal Reserve Bank, Alan Greenspan, parle de cet épisode comme d’une « exubérance irrationnelle » et met en garde contre une probable surévaluation du marché des actions.

La bulle Internet héritera de l’appellation « Bourse casino » : on mise à l’aveugle, sans connaître vraiment l’entreprise sur laquelle on parie, et on croise les doigts pour que le bon numéro soit tiré. On surestime surtout les retours sur investissements futurs dans une technologie nouvelle.
Avec Internet, renaît l’illusion mortelle des années 1920 avec l’automobile et le téléphone, celle d’un développement illimité. Or, les retours sur investissements se ralentissent bientôt, et les taux d’intérêts étranglent les investisseurs. Aux États-Unis, les faillites se multiplient.

Grâce à cette crise, les rescapés de la bulle, la voie étant libre, deviennent les géants du secteur. Google, Yahoo ou Amazon ont absorbé leurs concurrents, fait preuve de créativité, et évité les investissements hasardeux. Sur la toile comme ailleurs, la spéculation ne connaît que la loi du plus fort.

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