La crise, une aubaine pour le candidat Sarkozy

Christophe Kantcheff  • 8 décembre 2011 abonné·es

Pour achever son quinquennat mortifère, au terme duquel il n’a tenu aucune de ses promesses –  « Ensemble, tout devient possible » , disait-il… –, Nicolas Sarkozy ne pouvait rêver mieux que l’irruption d’un heureux événement. Non, pas celui-là ! Un autre, d’une portée historique plus affirmée. Une crise financière, par exemple. L’une des plus graves que le capitalisme a connues. Et si c’était une aubaine pour Nicolas Sarkozy, à moins de six mois du premier tour de la présidentielle ?

Drôle de question ? Même du côté des sondages, certes à considérer avec circonspection, le président de la République connaît un léger mieux. Ce n’est pas encore le Pérou, mais, tout de même, sa cote est plus fringante. Depuis quelques mois, dans ses habits de sauveur de l’euro, de l’Europe et des meubles, on le sent tout ragaillardi. Sur le front des marchés financiers, un héros est né, qui a su nous préserver du chaos. Les couleuvres que lui fait avaler Angela Merkel ne changent rien à l’affaire. Cette crise, pour Sarkozy, c’est tout bénef. Ne donne-t-elle pas à « la politique une responsabilité et un champ d’action au fond sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale, parce qu’il faut tout imaginer, tout réinventer » , comme il l’a déclaré à Toulon le 1er décembre ?

La crise permet au chef de l’État de revendiquer, avec la meilleure conscience qui soit, une irresponsabilité totale quant à ses actes passés. Son bilan ? Il n’est plus question d’en dresser la faillite. Ses résultats sur le pouvoir d’achat, le chômage ? Il serait absurde d’en parler. La crise a redistribué la donne et conféré à Nicolas Sarkozy une nouvelle virginité.

Bien sûr, la situation est difficile pour beaucoup de Français. Il est frappant de voir quels mots l’homme de Neuilly-sur-Seine use pour les évoquer : ce sont ceux, poisseux, de la commisération, presque de la pitié. Mais ce n’est rien face au péril qu’il nous faut désormais affronter. Vient-on lui rappeler que l’une de ses mesures phares, le bouclier fiscal, a creusé le fameux déficit ? Il répond, comme l’a fait à sa place, dimanche, sur les chaînes de Radio France, Bruno Le Maire, le ministre de l’Agriculture en charge du programme de l’UMP, que cette mesure a été supprimée depuis le mois d’avril (au profit d’un allégement de l’ISF, tout de même). Être conséquent, c’est donc retirer l’allumette quand le feu a pris. Implacable.

La crise permet à Nicolas Sarkozy de mettre en doute les qualités d’homme d’État de son probable concurrent du deuxième tour, François Hollande. Celui-ci refuse de voter la règle d’or ? Irresponsable ! Son programme prévoit la création de 60 000 postes dans l’Éducation nationale ? Dilapidateur ! Et le président de la République d’entonner l’antienne des 35 heures et de la retraite à 60 ans, qui ont ruiné la France, comme la droite reprochait au Front populaire d’avoir décidé les 40 heures et les congés payés au lieu de lancer l’effort de guerre.

On ne peut pourtant reprocher à François Hollande de défendre une hétérodoxie ardente en matière économique. Quand le candidat PS promet de « donner du sens à la ­rigueur », ce n’est pas par son audace qu’il subjugue. Quand, face à ses amis du SPD, lundi à Berlin, il déclare respecter l’indépendance de la Banque centrale allemande et exprime, du bout des lèvres, le souhait « qu’elle puisse intervenir de façon mesurée contre la spéculation dans le cadre de ses statuts actuels » , on reste perplexe face à tant d’intrépidité.

Enfin, la crise permet à Nicolas Sarkozy de justifier son entreprise d’enlaidissement et de régression des esprits. Pourtant, n’a-t-il pas déclaré, toujours à Toulon : « Nous n’avons pas le choix entre l’ouverture et la fermeture […]. Les sociétés fermées n’ont qu’un destin possible : le déclin »  ? Mais il parlait des flux économiques. Pour cette meute dangereuse d’êtres humains qu’il nomme « l’immigration incontrôlée » , c’est partout des fils barbelés. Pour ses basses œuvres, le président de la République a des porte-flingues toujours prêts. Après Brice Hortefeux et Éric Besson, Claude Guéant est aujourd’hui le plus actif. Au nom des économies à faire, du déficit à combler, le ministre de l’Intérieur a déclaré la chasse aux fraudeurs, autrement dit aux chômeurs et aux immigrés, et tient pour délinquant potentiel tout ce qui ressemble à un jeune des cités ou à un Rom. Outre que le futur candidat UMP espère ainsi attirer les électeurs du Front national, il déploie son projet idéologique réactionnaire comme un remède à la crise. Nicolas Sarkozy se refait une santé, et ce sont les Français qui sont malades…

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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