Les OGM ? Finalement c’est OK !

L’annulation par le Conseil d’État du moratoire sur le maïs Monsanto témoigne de la force des groupes de pression céréaliers. Au niveau national comme à l’échelle européenne.

Claude-Marie Vadrot  • 8 décembre 2011 abonné·es

Le 24 novembre, le Conseil d’État a annulé la décision du gouvernement français, datant de février 2008, de mettre en place un moratoire sur le maïs 810 de Monsanto. Cet arrêt a été pris à la suite du recours introduit par la multinationale agroalimentaire. Il avait été précédé par une décision allant dans le même sens de la Cour de justice européenne, qui ne jugeait toutefois que la « faiblesse juridique » de la décision gouvernementale (alors que la même cour, dans un autre arrêt, a interdit la vente de miel contenant du pollen de maïs transgénique).

Cette décision pro-OGM s’explique notamment par le forcing de Monsanto, dont les représentants ont souvent déjeuné avec des membres du Conseil d’État, notamment certains des auditeurs, les petites mains chargées de préparer les arrêts. Même manège à Luxembourg auprès de juristes de la Cour européenne.
Le lobbying pour cette levée de l’interdiction a également été mené en France par l’Association française des biologies végétales, créée en juin 2009. On trouve dans ce groupe affirmant sa « neutralité » des personnalités aussi « neutres » que Claude Allègre, le professeur Maurice Tubiana, adversaire proclamé du principe de précaution, Jean de Kervasdoué, auteur de l’ineffable pamphlet anti écolo La peur est au-dessus de nos moyens , et Xavier Beulin, le céréalier président de la FNSEA, avec comme président Marc Fellous, que Gilles-Éric Séralini, président du Criigen (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique), a fait condamner il y a quelques mois pour diffamation. Dans l’heure qui a suivi la publication de l’arrêt du Conseil d’État, cette association soutenue par les sociétés agroalimentaires a fait paraître un communiqué – déjà prêt – saluant une décision qui « ouvre des perspectives prometteuses pour les agriculteurs français, qui pourront enfin avoir accès à des innovations indispensables à la compétitivité de l’agriculture française » . Vive la neutralité !

La Commission européenne n’a fait aucun commentaire officiel, les directions de l’Agriculture et de la Santé s’en tenant à la position définie en 2010 : l’UE continue à autoriser la culture d’OGM sur la base de recommandations scientifiques concernant leur sécurité. Mais les gouvernements sont libres de restreindre ou d’interdire la culture de n’importe lequel ou de l’ensemble des OGM approuvés par l’UE, sur tout ou partie de leur territoire. Position qui n’empêche pas la pression permanente de Bruxelles pour en finir – les débats à la Commission agricole le montrent – avec la résistance aux cultures de plantes génétiquement modifiées.

Ainsi, en mars 2010, la Commission a autorisé la culture de la pomme de terre Amflora, mise au point par la firme d’origine allemande BASF. Juré, promis, il ne s’agissait que d’un légume destiné à fabriquer de l’amidon… et à nourrir les animaux. Ceci après quatorze ans de siège sans que la non-prolifération du pollen ait été sérieusement étudiée. Mais, en octobre 2011, la même firme a demandé à la Commission l’autorisation de culture pour une autre pomme de terre (Fortuna), destinée, elle, à la consommation humaine, notamment pour la préparation de frites surgelées.

Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, compte s’appuyer sur la position de principe de la Commission pour reformuler un arrêté reconduisant le moratoire contesté. Le temps presse d’autant plus qu’il faut éviter que le maïs transgénique puisse être semé dès le printemps prochain. Et surtout parce que Bruno Le Maire, le ministre de l’Agriculture, par ailleurs corédacteur du programme du candidat Sarkozy à la présidentielle, n’est pas insensible aux pressions du président de la FNSEA, qui ne tarit pas d’éloges sur la politique agricole de la majorité.

Une course de vitesse et d’influence est donc engagée entre les deux ministres, et la décision finale sera prise par l’Élysée. On s’oriente donc désormais – pour ménager l’opinion publique toujours réticente envers les OGM – vers un texte suffisamment mal rédigé pour qu’il puisse être de nouveau annulé par le Conseil d’État après les élections du printemps 2012 ! Une astuce déjà utilisée par le gouvernement et les parlementaires, qui avaient suffisamment mal tourné le texte sur la taxe carbone pour que le Conseil constitutionnel puisse censurer la loi sur ce point.

Écologie
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