Relaxes de Noël

La chose est assez rare pour être signalée. En ce mois de décembre, les procureurs ont joué les pères Noël et relaxé par deux fois des citoyens accusés d’outrage.

Christine Tréguier  • 22 décembre 2011
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La première affaire concerne Pôle emploi. L’agence semble depuis quelque temps soucieuse de faire taire les chômeurs mécontents. Dans ses locaux, une affiche informe désormais que «   toute agression ou menace verbale ou physique constitue une infraction   » et que « la direction poursuivra pénalement l’auteur d’actes malveillants » . En raison de la « dématérialisation des chômeurs », les fonctionnaires craignent les coups de colère de leurs « clients » et les exhortent au calme. On peut les comprendre. Mais l’administration ne serait-elle pas en passe d’assimiler à une « menace verbale » toute critique à son égard ? En septembre, un chômeur breton s’est ainsi vu menacé de voir son accès à l’agence de Carhaix limité et d’être poursuivi pour avoir tenu des «  propos désobligeants  ». Ce travailleur social, qui connaît bien Pôle emploi pour y avoir travaillé, avait osé dire à son interlocuteur qu’il «   n’attendait rien de Pôle emploi, qu’ [il] ne venait que par obligation légale étant obligé d’être inscrit à cet organisme car bénéficiaire du RSA » .

Pour Laurent G., membre de la Coordination des intermittents et précaires (CIP), les choses sont allées plus loin. Ayant participé à une action d’accompagnement d’intermittents en bisbille avec l’agence de la rue Vic-d’Azir, il s’est retrouvé poursuivi pour « outrage à Pôle emploi ». La directrice a motivé sa plainte par le fait qu’ «  il vient régulièrement à notre agence pour se plaindre de la qualité de notre travail » et qu’il aurait traité les agents d’ «   incompétents » , de « fainéants » et de « bons à rien  ». Mais des témoins sont venus attester de la réalité des dysfonctionnements de Pôle emploi, et le procureur lui-même a admis que la plainte avait  « un fondement juridique fragile » . En effet, le délit d’outrage ne s’applique pas aux personnes morales. Le 13 décembre, le tribunal a donc confirmé la relaxe. 

Le même jour, une autre affaire était jugée à la 28e chambre correctionnelle de Paris. En cause, deux citoyens, Michel B. et Jean-Paul L. accusés de violence envers agents et rébellion. Ces deux quidams étaient venus en juin, avec d’autres, chanter « Hécatombe » de Brassens sous les fenêtres de la préfecture de police de Paris. La chorale avait été improvisée en soutien à un homme condamné pour avoir sans vergogne diffusé plein pot la chanson de Brassens au passage de la maréchaussée. Le préfet ayant donné l’ordre de disperser les chanteurs irrévérencieux, une bousculade s’était ensuivie dans les escaliers du métro. Bilan : des blessures pour Michel B. et Jean-Paul L., un calot tombé et une oreillette arrachée côté policiers. Vu «  la difficulté de distinguer ce qui relève de violences et ce qui relève de bousculade » et «  le manque de précision des gendarmes », la procureure décide de ne pas poursuivre. Elle a néanmoins souligné qu’ « on ne chante pas n’importe quoi n’importe où » . Pour l’avocat des chanteurs de Brassens, Me Jean-Yves Halimi, il n’y avait pas de troubles à l’ordre public. C’est la décision discrétionnaire du préfet et l’évacuation forcée via le métro qui ont créé le problème, et ses clients réfléchissent à leur tour à déposer une plainte au pénal.

**Plus d’infos :
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