Implants mammaires : panique planétaire

Le fabriquant des prothèses est poursuivi en France, en Italie, au Venezuela…

Ingrid Merckx  • 5 janvier 2012 abonné·es

Après le Mediator, les prothèses mammaires. Dites PIP, pour Poly Implant Prothèse, du nom de leur fabricant varois. Défectueuses, elles peuvent libérer leurs matériaux dans l’organisme. Pour réduire les coûts, elles ont été frauduleusement remplies d’un gel de silicone « non médical », possiblement cancérigène.

Créé en 1981 et liquidé en mars dernier, PIP était le troisième producteur mondial de ce type d’implants. Entre 400 000 et 500 000 femmes en porteraient aujourd’hui dans 65 pays du monde, en Amérique du Sud, en Europe de l’Ouest et de l’Est. Chez certaines, ces prothèses ont été posées pour des raisons esthétiques (80 %, selon RiskAssur, le magazine des risques et des assurances), chez d’autres pour des raisons médicales, à la suite d’un cancer du sein (30 000 personnes en France).

Au 30 décembre, 20 cancers chez des porteuses avaient été déclarés à l’Afssaps, 1 143 ruptures d’implants et 495 cas de réactions inflammatoires. Même si le lien entre les prothèses et les cancers n’est pas établi, le doute sème une panique planétaire.

Chili, Équateur, Brésil, États-Unis… Retraits du marché et dépôts de plainte se multiplient. Au Venezuela, une centaine de femmes ont décidé d’attaquer PIP. L’Italie a ouvert une enquête contre le fondateur de la société, Jean-Claude Mas, 72 ans, pour « vente de produits dangereux pour la santé » . Au Royaume-Uni ­­(42 000 porteuses), une enquête a été lancée le 31 décembre. À Marseille, plus de 2 500 plaintes ont été déposées. Le 24 décembre, le ministère de la Santé a ouvert un numéro vert [^2] et annoncé le retrait des implants défectueux, ce qui devrait coûter 60 millions d’euros à la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), qui va porter plainte au civil pour « tromperie aggravée et escroquerie » . Une information du 2 janvier faisait état de l’utilisation dans les prothèses PIP de produits chimiques industriels, dont du Baysilone, un additif pour carburants…

L’un des avocats des victimes, Philippe Courtois, entend également déposer plainte contre les chirurgiens ayant posé des implants PIP. En mars 2010, ­l’Afssaps avait annoncé l’interdiction de ces prothèses après avoir constaté des ruptures et l’utilisation d’un gel de silicone « non conforme » à ­l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Le 15 juin 2011, les deux enfants de Jean-Claude Mas créaient France Implant Technologie, société censée exporter 60 000 prothèses mammaires par an. Leur père figure dans l’organigramme. Le projet de loi sur le médicament et les produits de santé présenté devant le Sénat fin octobre est censé moraliser l’AMM et les liens d’intérêt entre experts et laboratoires, et renforcer la pharmacovigilance. Il serait temps.

[^2]: Numéro vert implants mammaires : 0800 636 636

Société Santé
Temps de lecture : 2 minutes

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