L’étrange soeur Agnès Myriam de la croix

Les Français avaient été accueillis par une religieuse qui, au nom de la défense des chrétiens, ne semble reculer devant aucune compromission avec le pouvoir syrien.

Jacques Duplessy  • 26 janvier 2012 abonné·es

«Les journalistes de la propagande atlantique, les propagandistes à la Goebbels, n’ont montré que la moitié de la vérité sur ce qui se passe en Syrie. Et encore, ils ont truqué leurs reportages ! » Ainsi s’adresse sœur Agnès Myriam de la croix, ancienne carmélite et prieure du monastère Saint-Jacques-le-Mutilé, situé à Qâra (à 70 kilomètres de Homs), aux journalistes qu’elle avait invités, la veille de notre déplacement à Homs. C’est elle qui nous a obtenu les visas et les autorisations du ministère de l’Information. « Je veux montrer l’autre partie du tableau , explique la religieuse. Ça fait partie de ma mission. »

Sœur Agnès Myriam de la croix a un parcours singulier. Elle se décrit comme « l’unique hippie libanaise » . À 16 ans (elle en a aujourd’hui 60), elle quitte le Liban. Elle fréquente des communautés hippies, touche à la drogue, avant d’être frappée par la lecture de la Bible. Elle entre alors au carmel de Beyrouth (Liban). S’ensuivent vingt-deux années d’enfermement. En 2000, elle fonde une communauté œcuménique dans l’antique monastère de Saint-Jacques-le-Mutilé. Elle se bat pour la sauvegarde du patrimoine culturel des chrétiens d’Orient.

La religieuse veut faire entendre sa voix pour protéger ses coreligionnaires : « Depuis des mois, en Syrie, les chrétiens sont menacés par des terroristes islamistes étrangers et syriens utilisés par les puissances occidentales – pour des raisons économiques et géopolitiques – pour faire tomber le régime laïc. Avec, à terme, l’installation d’un régime islamique basé sur la charia, comme en Libye aujourd’hui. » Elle se dit favorable à des réformes en Syrie, mais « avec le président Bachar Al-Assad » , car il « protège les chrétiens » . Une lecture de la situation qui est loin d’être partagée par l’ensemble des chrétiens syriens.

Pour défendre ses thèses, la religieuse semble prête à toutes les alliances douteuses. Si on tape « sœur Agnès Myriam de la croix » dans un moteur de recherche, on arrive sur le site internet « Entre la plume et l’enclume », où s’expriment le négationniste Robert Faurisson et Dieudonné.

Le nom de sœur Agnès figure aussi en bonne place sur le site du réseau Voltaire, fondé par Thierry Meyssan, auteur, entre autres, de l’Effroyable Imposture , ouvrage qui nie la réalité des attentats du 11 Septembre et dénonce un complot intérieur américain. Sur ce site, la religieuse pointe des attaques de « gangs armés financés par l’Occident » en Syrie.

Interviewée trois jours après la mort de Gilles Jacquier, sœur Agnès a déclaré : « Que Dieu ait son âme ! J’avais dit de ne pas bouger de l’hôtel après 15 heures. J’avais dit que vous alliez en enfer, qu’il fallait mettre un gilet pare-balles. » Des mots chocs que nous n’aurions pas manqué de retenir si elle les avait vraiment prononcés… Et la religieuse d’accuser « des bandes armées » de l’opposition. Elle s’attache également à dédouaner l’armée syrienne : « Le gouverneur, lui-même général de l’armée, m’a assuré que c’est un mortier de 82 mm, qui n’est pas utilisé par l’armée syrienne. » Elle se dit aujourd’hui « menacée de mort » et déclare qu’elle « va écrire à l’ambassade de France pour demander d’être placée sous protection » .

Agent trouble du régime ? La religieuse se défend « d’être proche du pouvoir » . Pour preuve, elle met en avant une lettre ouverte adressée au chef de l’État syrien, où elle demande qu’une commission du Comité international de la Croix-Rouge s’assure qu’il n’existe aucune discrimination à l’égard des blessés admis dans les hôpitaux, et que les détenus syriens soient bien traités…

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