À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 16 février 2012
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Certes, les mots sont importants. Parfois même, ils sont chargés d’explosifs. « Civilisation » et « populisme » ont ainsi fait pas mal de bruit ces derniers temps. Mais il semble que les mains qui en ont allumé la mèche n’assument pas vraiment, profitant de la malléabilité du sens de ces termes pour prétendre que ce que beaucoup ont compris n’est pas ce qu’ils voulaient dire…

Inculture ou, plus vraisemblablement, mauvaise foi ? Les linguistes le disent depuis longtemps : il n’y a pas de sens fixes aux mots, mais des usages. Ou encore : « Les mots changent de sens selon les positions tenues par ceux qui les emploient […] en passant d’une formation discursive à une autre. » Citation extraite d’un intéressant numéro de la revue Critique (janvier-février 2012) consacré aux « Populismes ».

La lecture de ce numéro permet de mesurer à quel point cette notion de « populisme » est une notion piège. Si le populisme a une histoire – né en Russie au milieu du XIXe siècle, faisant une première irruption en France avec le général Boulanger, prospérant en Amérique latine au XXe siècle –, les auteurs éprouvent des difficultés à en distinguer les traits permanents, d’où le recours au pluriel : ce sont des populismes. Surtout : les articles réunis ici développent des thèses dissemblables, voire divergentes. Si, pour certains, le « style de communication » détermine avant tout les populismes, pour d’autres, ils se reconnaissent aux ennemis communs qu’ils désignent et à la politique qu’ils élaborent.

Voilà qui aurait dû rendre extrêmement prudent un journal « de référence » comme le Monde . En associant Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sous le vocable « populismes » , il a fait fi de ces considérations intellectuelles. Cet appariement, sans plus d’explications, ressemblait davantage à un mauvais tour de passe-passe. Une sorte de populisme journalistique, en somme.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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