Philippe Poutou : « Ce que Mélenchon ne dira pas »

Le candidat du NPA réaffirme le bien-fondé d’une candidature anticapitaliste autonome du Front de gauche. Il défend l’annulation de la dette, la nationalisation des banques et la sortie du nucléaire.

Erwan Manac'h  • 23 février 2012 abonné·es

Illustration - Philippe Poutou : « Ce que Mélenchon ne dira pas »

Dans une déclaration du 12 février, la Gauche anticapitaliste, courant qui représente 40 % du NPA, évoque « l’impasse patente et grave » de votre candidature et vous invite à rejoindre la « réponse politique unitaire » du Front de gauche. Quelle est votre réaction ?

Philippe Poutou : Je ne partage évidemment pas ce constat. Les temps sont durs pour nous, mais nous avons des choses à dire que Mélenchon ne dira pas. On veut faire entendre une voix anticapitaliste. Il faut dégager Sarkozy, certes, mais nous voulons dire clairement qu’il n’y a rien à attendre du Parti socialiste et de François Hollande. Ce qui sera déterminant, c’est notre capacité à résister ensemble et à imposer une politique de gauche. Or, les élus du Front de gauche votent les budgets du PS dans toutes les Régions alors qu’ils sont l’inverse de ce qu’ils revendiquent : les Régions donnent des millions aux grosses entreprises sans exiger de contrepartie.

Nous avons aussi des désaccords de fond avec le Front de gauche sur la question écologique, car nous sommes pour la sortie du nucléaire. Il ne défend pas non plus l’annulation de la dette, qui est pour nous le seul moyen d’éviter l’austérité. On ne peut pas non plus affirmer, comme le fait Mélenchon, que c’est une bonne chose de vendre des Rafale pour bombarder des peuples on ne sait où et que Dassault est un mec finalement respectable. Il reste que le Front de gauche n’est pas un adversaire. Il faut arriver à construire des résistances ensemble.

La quasi-totalité des candidats disent aujourd’hui qu’il faut « s’attaquer à la finance ». Vous êtes d’accord ?

C’est du baratin. Tout le monde sait le faire, jusqu’à Sarkozy avec sa « taxe Tobin ». Les milliardaires eux-mêmes disent qu’il y a eu des abus. Mais pour s’attaquer à la finance, il faut lui enlever son pouvoir de nuire. Il faut exproprier les banques, c’est-à-dire les nationaliser et les mettre sous le contrôle de la population. On ne peut pas se contenter d’un pôle public bancaire coexistant avec les banques privées, comme le revendique le Front de gauche. L’expérience a déjà été menée, les règles de rentabilité du secteur privé finissent toujours par s’imposer. Il faut un monopole public bancaire à l’échelle européenne. Cela passe par un rapport de force et une bataille sociale dans toute l’Europe.

Vous êtes pour la sortie du nucléaire. Comment mettre en place une telle rupture ?

Il faudra une reconversion industrielle dans les énergies renouvelables, la construction de logements pour des économies d’énergie, le transport collectif gratuit.

Sur cette question, on se heurte aux lobbies, aux intérêts financiers et à la logique de rentabilité. Le capitalisme ne se préoccupe pas de la vie des gens ou de son impact sur l’environnement.

Une vraie politique cohérente socialement et écologiquement exige un service public de l’énergie au service et sous le contrôle de la population. Nous devons donc défendre une société démocratique où les gens maîtrisent collectivement la production. Cela passe par le rapport de force.

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