Sarkozy braconne chez les chasseurs

Le gouvernement multiplie les efforts pour engranger des voix chez les adeptes de la chasse, au mépris des règles.

Claude-Marie Vadrot  • 9 février 2012 abonné·es

Illustration - Sarkozy braconne chez les chasseurs

La traque des voix des chasseurs a démarré début 2011. Claude Guéant, encore secrétaire général à l’Élysée, avait alors longuement reçu leurs représentants. Ils se sont revenus fréquemment par la suite, et Nicolas Sarkozy les a également rencontrés à plusieurs reprises, puis reçus en son palais en octobre et le 30 janvier. Audience précédée par une longue réunion avec Nathalie Kosciusko-Morizet le 25 janvier. Objet à chaque fois : la demande d’arrêtés reportant les dates de fermeture de la chasse à certains oiseaux, dont les oies.

La requête des chasseurs est pourtant illégale : l’Europe l’interdit, et les tribunaux administratifs et le Conseil d’État annulent régulièrement les arrêtés dérogatoires. Quelques jours plus tôt, lors d’un déplacement en Ariège, le Président déplorait que les écologistes gâchent « le petit bonheur des chasseurs ». Il s’agit pour Nicolas Sarkozy de récupérer des voix qui vont souvent au Front national : une étude du Cevipof en décembre a établi que 25 % des chasseurs votent pour l’extrême droite.

Le 16 janvier, la ministre de l’Écologie avait rendu visite à la Fédération départementale des chasseurs de l’Oise pour expliquer que le gouvernement se préoccupait de préserver leur « espèce » en voie de disparition. La fédération est présidée par Guy Harlé d’Ophove, élu du Front national au conseil régional de Picardie, qui milite pour la présence des chasseurs dans les écoles et leur participation à l’éducation au développement durable.
C’est exactement ce que ­prévoit la loi visant à « simplifier la pratique quotidienne de la chasse »  (sic), adoptée vendredi 3 février au Sénat. Ce texte stipule notamment que les propriétaires de terrain ne pourront plus refuser la présence des chasseurs. L’auteur de cette loi n’est autre que Jérôme Bignon, député de la Somme et secrétaire national de l’UMP à la chasse, et ­président du Conservatoire du littoral, l’organisme dont l’une des fonctions est pourtant de protéger les oiseaux d’eau !

Pour terminer la câlinerie, le président de la République a expliqué aux chasseurs l’impossibilité d’aller contre l’avis du Conseil d’État interdisant la chasse à l’oie et autres gibiers d’eau à partir du 31 janvier… mais il leur a accordé une « dérogation scientifique » pour qu’ils puissent quand même tirer quelques centaines d’oies en février. Et les chasseurs se sont laissé dire que le Conseil national de la chasse, opportunément réuni le lendemain, allait ­diffuser des consignes d’indulgence à l’Office national de la chasse, dont les gardes répriment les délits de chasse.

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