Second Tour de Zebda : un candidat à cinq têtes

Un album de retrouvailles, doté d’un fort désir de reconstruction sociale.

Ingrid Merckx  • 2 février 2012 abonné·es

La jaquette arbore des coureurs black, blanc, beur en plein effort dans un virage. Mais c’est moins à un second tour de piste que le nouvel album de Zebda renvoie qu’à une échéance électorale. Rien de triomphal à première vue. Les morceaux de bravoure qui ont fait sa réputation par leur charge musicale, poétique ou politique –  « Mon père m’a dit », « Le bruit et l’odeur », « Ma rue », « La faucille et le marteau » ou « Oualalarradime »  – laissent ici place à une composition adagio ma non troppo.

Des contes sociaux à plusieurs voix sur de bons petits skas, des ­mélopées orientalisantes, de la pop… Second Tour a comme un air de déjà entendu. Leur campagne de 1998 ! Il y a plus que des ressemblances avec l’album Essence ordinaire, des jeux d’échos entre des morceaux comme « les Proverbes » et « Y’a pas d’arrangements », « Un je ne sais quoi » et « Je crois que ça va pas être possible », « Tu peux toujours courir » et « Né dans la rue » … Ce qui témoigne au moins d’une fidélité à ses engagements, sinon d’un renouvellement, à l’heure de la reformation du groupe.

Plus qu’un collectif : un candidat à cinq têtes. Car, à y regarder de plus près, Second Tour dessine un projet de société : y’a que Zebda pour faire rimer « Mourad » et « Pléiade » , mêler le réchauffement climatique et le port de la burqa, placer dans un refrain « Un je ne sais quoi qui m’agace, un je ne sais quoi de sa race » , ou mettre en vers le drame des Harragas et railler les méfaits ­d’Hortefeux, un texte ­vomitif de Michel Houellebecq, les cadors qui font ramadan toute l’année et les biens mal acquis qui profitent bien au chaud à Maisons-Laffitte…

On peut guetter les accents d’audace ou de nouveauté, les particularités tirées des expériences individuelles des musiciens ces six dernières années, mais, ce qui émerge, c’est le projet d’équipe qui les a soudés. Un soupçon de vision en plus, peut-être une larme de variations musicales en moins. Reste que Zebda, c’est d’abord un groupe de scène. Et Second Tour s’enflamme avec de jolies sessions de cuivres dans « la Promesse faite aux mains », « Un je ne sais quoi » ou « Les Deux Écoles » . Cette ­chanson qui navigue entre deux leçons d’autonomie : remplir sa tête ou remplir ses poches. Les réconcilier, tout un programme.

Culture
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