La France néglige l’aide publique au développement

Aurélie Gal-Régniez  • 22 mars 2012
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Un dimanche soir, le 29 janvier précisément, en simultané sur neuf chaînes de télévision, les spectateurs pouvaient entendre de la bouche de l’actuel président de la République : « Les Français sont revenus de toutes les promesses. » Si tant est que cette assertion soit vraie, faut-il les en blâmer ? Car force est de constater que certaines peinent à se réaliser.

Il en est ainsi des 0,7 % du revenu national brut (RNB) que la France s’est engagée à consacrer à l’aide publique au développement (APD). Cette décision ne date pas d’hier, mais de 1970. Et elle a été maintes fois réitérée solennellement sur la scène internationale. C’est notamment sur cette base que la France a souscrit, en 2000, aux fameux Objectifs du millénaire pour le développement, feuille de route mondiale pour lutter contre la pauvreté d’ici à 2015. Et Nicolas Sarkozy lui-même de déclarer, lors du sommet onusien qui leur était consacré en septembre 2010 : « Depuis deux ans, le monde a connu une crise économique sans précédent. La question qui se pose : est-ce que nous allons prendre ­prétexte de la crise pour faire moins ou est-ce qu’au contraire, dans un sursaut nécessaire, nous allons être au rendez-vous de nos promesses ? » , puis d’ajouter : « La France a décidé de se mobiliser. »

Paroles et écrits officiels laissent à penser que la France a pris la mesure du rôle qui devrait être le sien dans la lutte contre les inégalités, la promotion des droits humains et la gestion des biens publics mondiaux. Car il faut bien se rendre à l’évidence : les crises que nous vivons et les réponses que nous pouvons y apporter se situent au niveau mondial. Alors que les régions du monde sont de plus en plus interdépendantes pour le meilleur et pour le pire, une aide publique au développement lisible et coordonnée constitue un levier nécessaire pour participer à la construction d’un développement juste et durable pour toutes et tous.

Malheureusement, on ne peut que souligner l’incohérence entre les priorités politiques affichées dans les déclarations d’intention et les choix financiers effectués.

L’examen de la loi de finances 2012 par le ministre en charge de la Coopération n’a, en effet, convaincu personne : le document de politique transversale fait clairement apparaître que l’effort français stagne, voire diminue. En 2011, il n’était que de 0,46 % du RNB, contre 0,5 % en 2010. Et encore faut-il examiner de près ce qu’on comptabilise dans ce pourcentage.

À bien y regarder, on constate que 87 % des engagements de l’APD française sont des prêts alloués aux emprunteurs solvables que la France trouve parmi les moins pauvres des pays en développement. Ces prêts bénéficiant par ricochets, dans bien des cas, à des entreprises françaises travaillant dans ces pays émergents.

Parallèlement, la part des dons aux pays les moins avancés reste anecdotique (170 millions sur un total affiché de 10 milliards d’APD).
Il en va de même du montant des soutiens financiers accordés aux ONG : avec 1 % de l’aide bilatérale transitant par les ONG, la France reste très en dessous des 13 % de la moyenne des pays de l’OCDE.

Aujourd’hui, alors que les décideurs ne cessent de parler de redevabilité, il est temps de rendre compte des choix effectués : auprès de celles et ceux envers lesquels la France a pris des engagements, comme auprès des citoyens et des citoyennes au nom de qui ces politiques sont menées.

Aurélie Gal-Régniez est directrice exécutive adjointe d’Équilibres & Populations et administratrice de Coordination SUD, coordination nationale de 130 ONG françaises de solidarité internationale, d’urgence et de développement : www.coordinationsud.org/focus/elections-2012
Monde
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