La population de Fukushima face à l’ennemi invisible
Près d’un an après l’accident nucléaire japonais, Eva Joly recevait lundi 5 mars un ancien gouverneur de Fukushima et une délégation d’observateurs japonais. Ils prédisent une « catastrophe sanitaire ».

Un an presque jour pour jour après la catastrophe nucléaire, un ancien gouverneur de la préfecture de Fukushima était de passage à Paris, lundi 5 mars, sur invitation d’Europe écologie – les Verts, accompagné d’une petite délégation d’observateurs japonais. Devant la candidate écologiste qui tente de se faire entendre sur la question nucléaire, ils se sont montrés alarmistes devant la contamination « irréversible » de la terre et de l’eau autour de la centrale accidentée. Ils dénoncent également l’opacité qu’entretiennent les autorités locales malgré l’urgence.
Au-delà du rayon de 20 km totalement déserté autour de la centrale, les évacuations de la population ont été partielles, selon les taux de radioactivité relevés. Dans les zones contaminées, de nombreuses familles notamment avec des personnes grabataires ou handicapées n’ont pas pu évacuer malgré ces consignes. Elles restent aujourd’hui isolées, dénuées de soin et exposées à une radioactivité très élevée par endroits.
Catastrophe sanitaire
En dehors de ces zones hautement radioactives, une « menace invisible » reste vivace : les contrôles de « radioactivité interne » dans les produits consommés par la population locale sont insuffisants, selon Hiroko Aihara, journaliste japonaise spécialiste de la catastrophe de Fukushima. « Le Titanic est en train de couler, certains ont déjà fui mais beaucoup restent sur place et consomment de l’eau et des aliments contaminés qui les exposent à une catastrophe sanitaire. »
Michèle Rivasi, députée européenne EELV, tire le même constat :
« La radioactivité est un ennemi invisible, la contamination se déplace dans les produits. Une épidémie de cancer tous azimuts est à prévoir. Comme autour de Tchernobyl, où 80 % des gens sont malades. »
Opacité
Dans le même temps, « le gouvernement continue sa ritournelle en affirmant que tout va bien » , déplore Hiroko Aihara. Préfet de la province de Fukushima de 1988 à 2006, ancien partisan du nucléaire civil, Eisaku Sato témoigne aujourd’hui des insuffisances graves de l’industrie nucléaire qu’il avait constatées avant l’accident. Il dénonce surtout les manquements démocratiques et la « dérive autoritaire » du pouvoir dans la gestion de la crise. Les opérations de décontamination sont jugées insuffisantes et la question du stockage des déchets reste en suspens : « Comme le nucléaire est très dangereux, l’État est obligé de devenir un État policier , assène l’ancien gouverneur qui se dit lui-même victime de représailles judiciaires. Le lobby nucléaire englobe des politiques, des hauts fonctionnaires, des médias et le monde académique. Il agit comme un tank puissant qui écrase le peuple. »
Michèle Rivasi insiste aussi sur l’opacité et la « désinformation » qui entoure la gestion de la catastrophe. Un problème bien connu de cette militante antinucléaire, fondatrice de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), après l’accident de Tchernobyl en 1986. « Les autorités ont délivré très peu d’informations sur l’état des réacteurs accidentés, la carte de la zone de contamination a été largement sous-évaluée et nous n’avons pas d’information sur le sort des milliers de travailleurs qui sont intervenus après l’accident » , déplore l’eurodéputée.
Denis Baupin, adjoint au maire de Paris et conseiller d’Eva Joly, dénonce « le lobby nucléaire » au Japon comme en France :
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« La candidate antinucléaire »
En accueillant ces témoins dans les locaux d’EELV, dans le Xe arrondissement de Paris, à moins d’une semaine du jour anniversaire de l’accident nucléaire, Eva Joly tente de faire connaître sa différence sur le dossier nucléaire et sa proposition d’un démantèlement total des centrales françaises en 20 ans. L’ancienne magistrate souhaite s’attaquer au « mythe de l’indépendance énergétique, de la sureté et du coût [peu élevé] » du nucléaire civil. « La probabilité d’un accident grave en dix ans en France est de 1 sur 6 , estime la candidate écologiste. C’est un jeu de roulette russe avec une balle dans le barillet. Nous appuyons sur la détente tous les dix ans ».
Déclaration d’Eva Joly :
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