« Les Adieux à la reine », de Benoît Jacquot : Une affaire de femmes

Les Adieux à la reine, de Benoît Jacquot : un film sensible mais qui manque d’audace.

Christophe Kantcheff  • 22 mars 2012
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Savoir filmer des femmes belles n’est pas donné à tout le monde. C’est un talent de cinéaste, dont Benoît Jacquot fait à nouveau preuve dans les Adieux à la reine . Diane Kruger en Marie-Antoinette, Virginie Ledoyen en Mme de Polignac et Léa Seydoux dans le rôle de Sidonie, une petite liseuse de la reine, sont magnifiques de vie et de tempérament devant sa caméra. Le cinéaste s’intéresse à l’amitié qu’entretiennent Marie-Antoinette et Gabrielle de Polignac, teintée d’homosexualité sous-jacente, à la dévotion que voue Sidonie à la reine comme un absolu, et plus généralement au violent désarroi qui les étreint quand survient, en quelques heures, dans la nuit du 14 au 15 juillet 1789, la fin abrupte de leur monde.

Une affaire de femmes, donc. De statuts et de classes différents, dont le cinéaste observe les corps, les attitudes, les passions. C’est là que réside l’écho de modernité. À preuve, les Inrockuptibles , dans un numéro récent, ont rapproché deux images comme une évidence : celle, tirée du film, de Marie-Antoinette avec ses enfants, et celle de Lady Di entourée également de sa progéniture. Les Adieux à la reine , ou le meilleur de Gala .

Le film est une adaptation du premier roman éponyme d’une grande spécialiste du XVIIIe siècle, Chantal Thomas. Comme le film, le roman suit les personnages au plus près de leurs émotions, sans didactisme idéologique. Mais il pénètre avec plus de profondeur dans le huis clos chamboulé de Versailles en ces jours de révolution, où les domestiques désertent leurs maîtres éperdus. Benoît Jacquot montre lui aussi les nuits d’insomnie dans un château sens dessus dessous. Sans toujours la subtilité requise : pour figurer la fuite et la lâcheté des aristocrates, il choisit un vieillard édenté.

À sa manière, et sans le vouloir peut-être, Sofia Coppola était plus radicale et plus près esthétiquement de la réalité historique avec son Marie-Antoinette réalisé en 2006. La cour de Louis XVI que la cinéaste américaine mettait en scène n’avait plus pour référence qu’elle-même. C’était un monde ailleurs, littéralement barré, totalement déconnecté du royaume et de ses réalités, dont personne à Versailles ne pouvait même imaginer ce à quoi il ressemblait. Par comparaison, les Adieux à la reine de Benoît Jacquot manque d’une audace, d’une folie et d’un imaginaire qui auraient avantageusement décoiffé les perruques et soulevé l’enthousiasme.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes
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