Viveo France en cassation

L’entreprise de logiciels bancaires conteste l’annulation de son plan de licenciements par la cour d’appel de Paris. Les syndicats, eux, espèrent une jurisprudence protégeant davantage les salariés.

Samir Hamma  • 15 mars 2012 abonné·es

L’annulation d’un plan de restructuration touchant 64 salariés de Viveo France, éditeur de logiciels bancaires, par la cour d’appel de Paris pour « absence de motif économique   », est décriée comme une « aberration économique » par le patronat. Le pourvoi en cassation de la direction de l’entreprise constitue un « déni de démocratie » aux yeux de la CGT… L’affaire Viveo France provoque un véritable branle-bas de combat.

Et pour cause : c’est la première fois qu’une telle affaire remonte jusqu’à la Cour de cassation. Sa décision, si elle confirmait l’annulation du plan social, ferait l’effet d’une bombe. Elle pourrait entraîner un changement dans le traitement judiciaire des plans de licenciements en cours, en les rendant plus difficiles à appliquer.

Les réponses du Syndicat des avocats de France (SAF) et du Syndicat de la magistrature aux avocats d’entreprises du groupement Avosial « montrent que nous sommes bien au cœur d’un enjeu politique, social et juridique majeur » , note la CGT.

La Cour de cassation a renvoyé sa décision au 11 avril. Le président de la chambre sociale a accepté la demande émanant du comité d’entreprise de Viveo, au motif que les documents cités par l’avocat général n’avaient pas été « mis en ligne à temps » pour être consultés. Philippe Brun, avocat du CE de Viveo, accuse l’avocat général de fonder son analyse sur des « études qui sont celles de Monsieur Bertrand [ministre du Travail] et celle du Medef, à travers l’Association nationale des directeurs de ressources humaines [ANDRH] *, alors qu’il est dépositaire de l’intérêt général*  […]. C’est une honte ! »   

De surcroît, le groupement d’avocats d’entreprises Avosial a fait circuler une lettre pour dénoncer la décision de la cour d’appel de Paris, qu’il qualifie de « révolution aux conséquences économiques catastrophiques » . Et de prédire que ces décisions « glissent vers une interdiction de fait des licenciements économiques en France » .

Avosial, qui regroupe plus de 350 avocats « conseillant et défendant les entreprises », interpelle également à grand bruit les candidats à la présidentielle, pointant du doigt les conséquences que ferait peser cette annulation sur « l’attractivité économique de la France » et « sa capacité de retenir ou de créer des emplois » . Le président d’Avosial, Hubert Flichy, exige même du Parlement « qu’il confirme la possibilité pour les entreprises de s’adapter aux conditions du marché dans un contexte de mondialisation » .

Le SAF dénonce une stratégie de lobbying d’Avosial, qui ne « respecte pas l’indépendance de la justice et la sérénité nécessaire au travail des juges ». Avosial prétend qu’il y a une baisse des licenciements pour motif économique. Le SAF estime que les entreprises ont recours aux ruptures amiables pour réduire leurs effectifs : « Depuis 2008, le mécanisme de la rupture conventionnelle est, comme on le craignait, détourné pour servir à décruter massivement ».

Le SAF ajoute que les départs volontaires connaissent « un développement exponentiel » . Ainsi, selon le syndicat, les entreprises voudraient éviter la notification d’une lettre de licenciement pour se prémunir de toute contestation judiciaire. Le SAF s’interroge sur l’acharnement des entreprises à agir à l’abri du regard des juges : « Qu’a-t-on à se reprocher pour vouloir à ce point se cacher et refuser de se justifier ? »

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