À contre-courant / François Hollande et la croissance

Jérôme Gleizes  • 26 avril 2012 abonné·es

Il est fort probable que François Hollande sera le prochain président de la République. Contrairement à Lionel Jospin en 2002, il ne s’est pas démarqué du discours social-démocrate, fondé sur le rôle de l’État et sur les politiques keynésiennes de relance de la croissance, tout en tenant compte de la contrainte externe de financement des déficits budgétaire et commercial.
Cette double contrainte pousse le candidat socialiste à défendre une politique fiscale ainsi qu’une politique énergétique refondées. Mais il reconnaît que son raisonnement n’est valide que si la croissance économique est au rendez-vous : « Seule une stratégie de croissance organisée permettra de sortir définitivement l’Europe de l’ornière. […] La réduction du déficit est une nécessité, mais chacun sait que, sans croissance, la dette progressera plus vite que l’activité économique. » Cependant, pour rassurer les marchés, il se démarque de cette logique keynésienne en fixant un objectif d’équilibre budgétaire pour 2017 et en ne s’opposant pas au principe d’une règle d’or.

La critique du sarkozysme ne suffit pas à expliquer la crise. Certes, les cadeaux fiscaux aux plus riches ont gonflé les déficits et la dette de plus de 20 points, sans relancer l’investissement, comme l’a montré le rapport du député UMP Gilles Carrez. Mais cette politique clientéliste n’explique pas le déclin de l’industrie française, et notamment nucléaire.
En fait, la croissance telle que nous la connaissons n’est pas la solution de la crise, mais sa cause !

Augmenter le pouvoir d’achat pour réduire les inégalités, moraliser la finance, c’est nécessaire mais insuffisant. Le cercle vertueux keynésien butera sur les crises écologiques. La croissance infinie dans un monde fini est impossible. Nous vivons la première crise sociale-écologique du capitalisme. La raréfaction des ressources naturelles, les dérèglements climatiques, la sixième extinction massive des espèces, l’épidémie de cancers ne sont pas des lubies écologistes, mais une réalité géologique, scientifique, biologique et sanitaire. La croissance à la mode des Trente Glorieuses n’est plus structurellement possible. Ne pas comprendre la crise, c’est ne pas mettre en œuvre les bonnes mesures, et cela alimente in fine le FN.

Pour éviter des lendemains qui déchantent avec une croissance absente, il faut engager dès 2012 les politiques structurelles que nécessitent les crises. Parmi les premiers rendez-vous du prochain mandat présidentiel, il y aura le sommet de l’Otan, le G8 et le sommet de la Terre à Rio. Or, ce dernier, contrairement aux autres, n’est, pour le moment, pas inscrit au calendrier de François Hollande.

Le Président devra éviter les fausses solutions, comme les gaz de schiste et le nucléaire [^2]. Il lui faudra supprimer notre dépendance au pétrole, à l’énergie, à la surconsommation. Et méditer cette phrase de Keynes : « Pour la première fois depuis sa création, l’homme fera-t-il face à son problème véritable et permanent : comment employer la liberté arrachée aux contraintes économiques ? Comment occuper les loisirs que la science et les intérêts composés auront conquis pour lui, de manière agréable, sage et bonne [^3] ? »

[^2]: Voir la chronique « La dépendance financière du nucléaire », Politis n° 1179.

[^3]: « Perspectives économiques pour nos petits-enfants », in la Pauvreté dans l’abondance, John Maynard Keynes, Gallimard, « Tel », pp. 162-173. .

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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