À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 19 avril 2012
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C’est comme une petite Venise, sans la lagune ni la beauté… mais avec la même impression de décrépitude et une semblable odeur d’humidité croupie. Une Venise pouilleuse, dérisoire, défigurée, dont on ne peut sortir. Voilà à quoi font penser les photographies de la prison de Mont-de-Marsan (Landes) prises par Jean-Christophe Garcia. Celui-ci les a réunies dans un livre, N° d’écrou 1926, publié par un petit éditeur bordelais, les éditions du Festin (non paginé, 13 euros).

N° d’écrou 1926 est né à la suite d’un plan de renouvellement de prisons lancé en 2008 par le ministère de la Justice. Les portes de la maison d’arrêt de Mont-de-Marsan allaient fermer. Jean-Christophe Garcia s’est vu proposer un travail photographique. Il a fait appel à un écrivain, Fred Léal, pour la composition des textes.

Entre eux, le partage des tâches est clair. Jean-Christophe Garcia saisit les lieux sans les hommes, qu’il a rencontrés – détenus, surveillants, médecins… –, mais auxquels il n’a pas demandé de poser. On dit de la prison que c’est un lieu de « non-droit ». C’est aussi un no man’s land. Dégradée, misérable, la maison d’arrêt de Mont-de-Marsan ne donne aucun signe de présence au monde. Indifférenciés, les locaux des surveillants pourraient être ceux des détenus, et réciproquement. Quelques objets témoignent d’une existence, mais comme des empreintes précaires avant l’oubli total. Des vies étaient ici, mais elles ont sombré.
Fred Léal, lui, imagine ce qui s’est passé entre ces murs, la vie quotidienne, prosaïque. La solitude absolue. Il y mêle des textes d’autre nature ; ceux des plaidoiries de procès ; celui d’une question du député du coin interrogeant le gouvernement sur la nécessaire rénovation ; des références anciennes aussi, comme celle-ci : « Dès le commencement du siècle, Fodéré avait déjà dit : “Il n’est pas question de voyous dans l’histoire des peuples sauvages ; on ne les trouve que dans les pays civilisés”. »

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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