Des conseils intéressés

Deux ouvrages mettent au jour les collusions de certains experts médiatiques avec le système économique dominant.

Thierry Brun  • 12 avril 2012 abonné·es

Dans les Imposteurs de l’économie, Laurent Mauduit, journaliste cofondateur de Mediapart et ancien directeur adjoint de la rédaction du Monde, enquête sur une facette méconnue des économistes experts, parfois autoproclamés, qui monopolisent le débat public. « J’ai souvent eu la surprise de découvrir des économistes, ou supposés tels, profitant de prébendes que je ne soupçonnais pas », écrit Mauduit.

Ces histoires de conflits d’intérêts, le journaliste économique en avait plein sa besace. Au point d’en faire un livre « parce que ces histoires ont fini par faire système ». Surtout, l’ouvrage interroge le lecteur : quelle peut être l’indépendance de ces économistes qui vivent à ce point des avantages d’un petit monde dont ils sont censés décrire mieux que d’autres le fonctionnement ou les errements ? « Ne portent-ils pas en vérité, volontairement, des verres déformants ? Et, dans ce cas, n’abusent-ils pas ceux qui ont confiance en eux ? »

L’enquête révèle que des économistes sans trop de scrupules peuvent être des conseillers de différents grands partis politiques : le Parti socialiste et l’UMP. Certes, ces économistes orthodoxes, promoteurs de la « pensée unique », n’ont pas mis à eux seuls le monde dans l’ornière, mais ils portent leur part de responsabilité dans les folies de la finance qui ont dévasté des pays comme la Grèce.

De son côté, le philosophe belge Geoffrey Geuens a décrypté cette figure imposée (et récente) de la communication politique qu’est la dénonciation des excès du capitalisme sauvage et des « marchés financiers », qui a duré le temps nécessaire à la recapitalisation des banques. Les responsables politiques, intellectuels et économistes médiatiques qui, il y a peu, n’avaient pas de mots assez durs pour stigmatiser l’interventionnisme public ont répété à qui voulait l’entendre que l’État allait reprendre la main sur la finance.
Sur le terrain, les plus grands noms de cette oligarchie siègent dans les conseils d’administration de trusts et de hedge funds (fonds spéculatifs) assimilant l’économie à un portefeuille géant d’actifs. Quant aux spéculateurs d’hier, dénoncés pour leur cupidité et leur irresponsabilité, ils ont été installés par les pouvoirs publics à la tête de commissions de sages prônant une meilleure gouvernance de la finance…
Geoffrey Geuens livre là une enquête édifiante et très complète sur une facette méconnue de la mondialisation capitaliste.

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