Le Net pas si net

Des chiffres en partie erronés ont circulé dès 18 heures sur le web.

Erwan Manac'h  • 26 avril 2012 abonné·es

Malgré la menace de 75 000 euros d’amende pour toute entrave au code électoral, réaffirmée tout au long de la dernière semaine de campagne, les premières estimations étaient facilement accessibles dimanche après-midi sur le web.

Sans surprise, la presse francophone étrangère a largement diffusé les premières estimations, relayées en France sur Twitter, le réseau social aux 3 millions d’usagers. Elles circulent alors en langage codé, très tôt dans l’après-midi, avec le « hashtag » (mot-clef) « #RadioLondres » : « En Guadeloupe, le fromage de Gouda coûte 57 euros. Le Kashkaval, en revanche, est plus abordable, à 23 euros », lance par exemple, à 16 h 30, un internaute pour communiquer les scores de François Hollande et de Nicolas Sarkozy dans le département d’outre-mer. Ils seront avérés : 57 % pour le premier, 23 % pour le second.

« J’hésite entre frustration et envie de rire », réagit sur Twitter le cofondateur de Rue89, Pierre Haski, qui souligne l’absurdité de la situation. Comme la plupart de ses concurrents français, le « pure player » a cédé à la tentation : dans sa rubrique « meilleur du web », placée pour l’occasion en haut du site, Rue89 reprend les tweets émis de Belgique ou de Suisse, donnant les premières estimations.

Le site Atlantico (droite) a choisi une autre attitude : considérant « qu’il est illusoire de s’abriter derrière des frontières qui n’en sont plus dans l’univers numérique », il propose de communiquer par mail aux internautes – « une communication privée » – les résultats détaillés avant 20 heures, mettant ainsi la main sur des milliers d’adresses.

Dans ce petit jeu à la limite de la légalité, c’est l’Agence France presse qui trébuche : le parquet de Paris a ouvert une enquête contre l’agence pour violation de la loi sur les sondages. Peu après 18 heures, l’AFP avait rendu compte des premières estimations en laissant à ses diffuseurs la responsabilité de leur publication. Des médias belges, suisses, néo-zélandais et un journaliste belge malchanceux font également l’objet d’une procédure.

Pour assainir la situation au second tour, la Commission de contrôle de la campagne (CNCCEP) avait recommandé que tous les bureaux de vote ferment à 20 heures le 6 mai, au lieu de 18 heures dans la plupart des communes de France (les estimations n’étant possibles qu’une fois le vote terminé). Mais la proposition a été rejetée par le ministère de l’Intérieur.

Dans cette foire aux résultats, la plupart des chiffres donnaient un taux d’abstention autour de 30 %, Jean-Luc Mélenchon était donné à 13 % autour de 19 heures, et Marine Le Pen restait sous-­évaluée, à 16 %. Pas très fiable.

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