Le sacrifice de l’agriculture

La classe politique abandonne les paysans français. Le secteur n’emploie plus que 800 000 personnes, qui sont soumises à de très fortes inégalités.

Claude-Marie Vadrot  • 5 avril 2012 abonné·es

Le dernier recensement de la Mutualité sociale agricole (MSA) établit qu’en 2011 les agriculteurs « professionnels » n’étaient plus que 326 000 sur le territoire métropolitain français. En comptant les paysans à temps partiel, sur de petites surfaces, comme les ­maraîchers, et exerçant une activité complémentaire pour survivre, on atteint le chiffre de 500 000 personnes. Tous métiers de la terre inclus, avec les conjoints dotés d’un statut et les salariés agricoles à temps complet, l’agriculture n’emploie plus que 780 000 à 800 000 personnes, soit environ 3,3 % de la population active. Cette diminution du réservoir électoral paysan ne justifie pas l’absence de la question agricole dans la campagne.

La plupart des candidats, sauf peut-être François Hollande quand il passe en coup de vent en Corrèze, n’ont pas vu une ferme, des vaches, des tomates de plein champ ou des cochons depuis des années ! Ils n’aperçoivent l’espace agricole que depuis le TGV. L’indifférence de Jean-Marc Ayrault, maire PS de Nantes, sur la disparition programmée de 50 exploitations agricoles pour cause de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, est parlante. Les prestations de sept candidats devant le congrès de la FNSEA à Montpellier, le 29 mars, ont par ailleurs été très consensuelles.

La réalité de la situation d’un grand nombre de paysans est certes gênante : le revenu moyen par exploitation agricole est en baisse, autour de 30 000 euros annuels, sachant que les revenus des fermes industrielles sont très supérieurs à ce seuil. Le revenu moyen des maraîchers a baissé à 10 000 euros et celui des arboriculteurs, dont beaucoup sont en faillite, stagne autour de 5 000 euros. Près de 15 000 agriculteurs sont bénéficiaires du RSA et le nombre de suicides chez les petits paysans est d’environ 400 par an depuis ­plusieurs années.

L’évolution de l’agriculture favorise les exploitations très mécanisées, consacrées aux céréales et aux grandes cultures, qui représentent plus d’un quart des exploitations, dont un nombre grandissant n’est même plus géré par des agriculteurs mais par des sociétés. Ces cultures intensives bénéficient de l’appui des responsables de la FNSEA, le syndicat agricole dominant, essentiellement financé par des grands céréaliers plus soucieux de l’observation des cours mondiaux que du tissu rural menacé.
Aborder la question agricole autrement que par de vagues évocations incantatoires d’une réforme de la Politique agricole commune (PAC) reviendrait à affronter cette puissante FNSEA. Ainsi que les lobbies agrochimiques qui continuent à vendre des produits phyto­sanitaires dont les quantités épandues en France s’établissent autour de 80 000 tonnes par an, en dépit des engagements du Grenelle. Les importations de fruits, légumes et autres produits agricoles augmentent chaque année, et font la fortune des intermédiaires et des grandes surfaces, qui bénéficient de marges plus importantes sur ces produits importés.

Remettre en question les dérives de l’agriculture française et, par exemple, créer des offices fonciers permettant à de jeunes agriculteurs de s’installer sans être contraints d’acheter leurs terres à prix d’or fâcherait bien trop de groupes de pression… Il est plus facile d’accuser l’Europe !

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