Le « stalinisme », c’est pas si terrible…

Sébastien Fontenelle  • 19 avril 2012 abonné·es

Franz-Olivier Giesbert, taulier de l’hebdomadaire anticonformiste [^2] le Point, soutient cette semaine, dans un divertissant éditorial, que « la police de la pensée marque » tous les jours « des points », et que « même au bistrot », on peut quasiment plus rien dire, Elvire, sinon on se prend une « amende », et bientôt, qui sait, de la « prison » ferme.
D’après lui : « notre » cher et vieux « pays » (qui pourtant fut jadis celui de Voltaire) s’est au fil du temps spécialisé dans « la production de bâillons », jusqu’à ne plus supporter aujourd’hui « les voix discordantes ».
D’après lui : c’est du « stalinisme » – et du bien tassé, qui fait tous les jours des victimes dans la dissidence.

Au nombre de ces victimes, Franz-Olivier Giesbert semble vouloir compter, par exemple, un certain « Éric Zemmour » – et c’est tout à fait intéressant, parce que ça permet de vérifier si le big boss du Point tient compte, lorsqu’il écrit, de ce qui se passe dans la vraie vie, ou s’il n’en a que fiche (comme on dit en Autriche).

Dans la vraie vie, en effet : ledit Éric Zemmour bénéficie, pour s’exprimer, force est de le constater, de certaines facilités, qui pourraient presque faire penser qu’il n’est point si brutalement muselé que ne le suggère Franz-Olivier Giesbert.

Par exemple : il intervient chaque matin, du lundi au vendredi et pendant plusieurs minutes, à l’antenne d’une importante radio périphérique (où il n’hésite pas, certaines fois, à dire tout haut qu’il serait temps que la méchante « gauche » cesse d’importuner le bon monsieur Guéant, ministre UMP de l’Intérieur).

En sus de quoi, toutes les semaines : il se produit sur iTélé, de même que sur Paris Première (dans un talk show qui est ensuite rediffusé sur M6). En sus de quoi, toutes les semaines : il fait un billet dans le Figaro Magazine – qui est comme on sait la propriété de Serge Dassault, de l’UMP. En sus de quoi, si des bien-pensant(e) s s’offusquent de ce qu’Éric Zemmour soutienne publiquement qu’un patron a quand même bien l’droit, mâme Dupont, d’pas vouloir embaucher un(e) Arabe ou un(e) Noir(e) – ou si qu’charbonnier s’rait p’us maît’chez soi ? Éric Zemmour reçoit, vitement, le soutien de députés du parti régimaire, qu’offusque fort que des « tyranneaux de la pensée unique de l’antiracisme » [^3], veuillent « bâillonner la liberté d’expression » [^4] d’un si conoclaste journaliste.

Adoncques, et si nous nous en tenons à ce que suggère là Franz-Olivier Giesbert : le stalinisme n’est pas du tout le râpeux totalitarisme que nous pensions…

…Puisque, en somme, l’une de ses principales caractéristiques est qu’il laisse la dissidence s’exprimer partout dans les médias dominants (sous les applaudissements nourris d’éminents représentants du parti gouvernemental) : il suffit de l’écrire, pour que tout devienne tellement plus simple…

[^2]: Non, je rigole.

[^3]: Là, c’est toi qui ne dois pas rigoler : cela ne serait pas très gentil.

[^4]: Ne ris pas, te dis-je.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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