Les rois du fichage

Christine Tréguier  • 5 avril 2012
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Si il y a un domaine où le gouvernement Sarkozy mérite une palme, c’est celui de la prolifération du fichage. Et, à la veille des élections, les ministères semblent mettre les bouchées doubles. À peine finalisé, le Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) vient d’être étendu par décret aux bénéficiaires des régimes complémentaires et additionnels de retraite. Rappelons que le RNCPS est un fichier tentaculaire, initié par Éric Woerth, qui répertorie tous les bénéficiaires de prestations sociales, mutuelles, congés payés, allocations chomage et caisses de retraite sur la base du NIR (numéro de Sécurité sociale), soit 66 millions de personnes. Le tout sur un site web sécurisé (potentiellement piratable) consultable par les agents de 96 organismes ainsi que par les collectivités territoriales et les centres communaux d’action sociale. Pour la Cnil, il s’agit d’un outil de gestion, et accessoirement de lutte contre la fraude. Dans son avis, elle précisait que «   la consultation du RNCPS ne constitue qu’une aide venant en complément de l’examen de la situation effectuée au cas par cas par un agent  » . Pas si sûr. Si on en croit le Figaro , Xavier Bertrand souhaite déjà modifier son fonctionnement pour lancer des recherches automatiques d’anomalies.

L’Éducation nationale a, elle aussi, publié un arrêté créant le Répertoire national des identifiants élèves (RNIE ex-BNIE). Le RNIE attribue un numéro matricule qui suivra chaque élève pendant toute sa scolarité. Il est censé «  faciliter la gestion du système éducatif et permettre le suivi statistique des élèves   » . C’est un « système d’immatriculation non signifiant », affirme le ministère, dont l’usage sera strictement encadré. Mais, comme le soulignent ses détracteurs, ce numéro figure déjà dans tous les fichiers scolaires – comme Base élèves ou Sconet, qui contient des informations sensibles – et permet de fait des croisements et la constitution d’éventuels profils de scolarité.

Et puis deux petits nouveaux font leur apparition en mars. Le fichier Ares (Automatisation du registre des entrées et sorties des recours en matière de contravention) va être expérimenté en Île-de-France. Officiellement, il s’agit de gérer administrativement les réclamations et de produire des statistiques. Mais, pour l’association Automobile club des avocats, ce fichier crée un historique des contraventions qui peut s’avérer discriminant, et ne prévoit ni droit à l’oubli pour les personnes relaxées, ni droit d’opposition. Enfin, un arrêté consacre l’existence du fichier Game (Gestion de l’activité et des mesures éducatives) 2010. Il ne fait que régulariser un fichage existant, celui des jeunes ayant affaire à la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, en étendant son spectre au suivi et à la réinsertion.

Pour lutter contre ces fichiers toujours plus coercitifs qui sapent la vie privée, 27 organisations ont lancé une pétition. Pour elles, ce fichage illimité «  a pour principal résultat d’effectuer un tri des populations concernées, pour en assurer le contrôle socio-économique : tous ceux qui “ne rentrent pas dans les cases” des critères autorisés sont automatiquement repérés pour être pénalisés  ». Elles réclament un véritable droit d’opposition à l’informatisation de ses données personnelles.

La pétition : http://www.uspsy.fr/Petition-En-2012-sauvons-la-vie.html

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