Paradis fiscaux : la fraude à 100 milliards d’euros

Cent milliards d’euros ont échappé à l’Etat au cours du dernier quinquennat en raison de l’évasion fiscale. Le CCFD-Terre Solidaire s’est rendu, jeudi 5 avril, dans les différents QG des principaux présidentiables pour dire stop à ce fléau financier.

Sarah Sudre  • 10 avril 2012
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Paradis fiscaux : la fraude à 100 milliards d’euros

**Comment montrer aux « politiciens qui connaissent mal le sujet »qu’une loi sur la fraude fiscale leur permettrait de réduire la dette publique ? *« En leur déposant un chèque fictif de 100 milliards d’euros, équivalent à la fraude fiscale des multinationales et des particuliers », explique Bernard Pinaud, délégué général du CCFD- Terre Solidaire. Le Comité catholique contre la faim et le développement est « fou de rage » en pensant aux 20 milliards d’euros qui passent, chaque année, à travers les mailles du budget de l’État à cause de l’évasion fiscale des grandes entreprises et des plus riches. D’ailleurs, l’association vient de dévoiler un « Pacte pour une terre solidaire : 16 propositions pour un monde plus juste ». Ce livret a été envoyé à tous les candidats à l’élection, leur demandant de se rallier à cette charte s’ils avaient l’intention de lutter contre la fraude fiscale.

Tandis que Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly ont signé l’accord rapidement, l’UMP, le PS et le Modem, eux, se font attendre. Conclusion : le CCFD-Terre Solidaire est parti, jeudi 5 avril, faire la tournée des QG des différents partis. Les faux banquiers du CCFD-Terre Solidaire, vêtus d’un costume noir accompagnés de lunettes noires, chapeau melon et mallette de cuir, remettrons le fameux chèque aux candidats qui s’engageront à en finir avec la fraude fiscale des multinationales.

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Illustration - Paradis fiscaux : la fraude à 100 milliards d'euros

La délégation s’est d’abord rendue devant l’Assemblée nationale ; un point d’arrêt symbolique. Pour les députés aussi, « lutter contre l’évasion fiscale doit être une priorité  », explique Catherine Gaudard, une des responsable du CCFD-terre Solidaire. Plus de 30 rendez-vous ont été pris avec différents députés, car le comité compte faire pression jusqu’à la veille des élections législatives, en juin prochain.

Dans le car, un militant pose la question : « Comment l’entreprise BNP Paribas explique t-elle la présence de 62 filiales au Luxembourg et 27 aux îles Caïmans ? » Un autre évoque l’entreprise Total avec la même amertume : « Total va payer cette année en France que 300 millions d’euros d’impôts malgré ces quelques 12 milliards d’euros de bénéfice. Il est temps de réagir, messieurs les politiciens ! »  

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Rue de la Convention. Une vingtaine de militants s’est arrêtée devant le QG de Nicolas Sarkozy. Les responsables de l’ONG ont été reçus par Marie-Claire Daveu, conseillère sur les questions de développement du groupe UMP. Après avoir « salué les efforts de la société civile pour obtenir plus de transparence » , elle a promis que le président-candidat répondrait aux propositions du Pacte cette semaine. L’UMP n’a donc pas reçu le chèque du comité puisque aucun engagement n’a encore été pris.

Étape suivante dans le 2ème arrondissement de Paris, où Philippe Douste-Blazy accorde une brève entrevue à l’ONG. L’ancien maire de Toulouse, aujourd’hui conseiller en charge des financements innovants à l’ONU, a dit que François Bayrou répondrait cette semaine au questionnaire. Ni plus ni moins.

«Les déserteurs fiscaux paieront»

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Deux banquiers déguisés, accompagnés de Catherine Gaudard, sont allés au QG de Jean-Luc Mélenchon, aux Lilas. Le chèque de 100 milliards euros a été remis à Christophe Ventura, l’un des représentants de Jean-Luc Mélenchon. « Nous adhérons au combat du CCFD-Terre Solidaire pour une justice sociale et fiscale. Certains bénéficient de régimes d’exception qui perturbent l’égalité sociale et économique. Les salariés doivent payer la note. C’est inadmissible. Les déserteurs fiscaux paieront des impôts comme tout le monde », explique Christophe Ventura.

Après trente minutes de dialogue, il a rappelé que « lutter contre l’évasion fiscale est un moyen de répartir la richesse. Aussi, il ne sera pas possible pour un déserteur fiscale d’être le dirigeant d’une entreprise française » . Les banquiers sont donc repartis les mains vides. « Quel soulagement de ne plus avoir ce chèque. Cela veut dire que certains partis croient en nos propositions »,  commente Philippe, bénévole au CCFD.

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Pascal Canfin, eurodéputé d’Europe Ecologie – Les Verts, a également récupéré, avec enthousiasme, le chèque du CCFD-Terre Solidaire. « Le parti est engagé depuis longtemps contre le scandale de l’évasion fiscale. Il faut créer un rapport de force et mener un combat moral. La présence de ce sujet aux législatives est primordiale », argumente le représentant d’Eva Joly, en félicitant le travail de l’ONG.

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En fin de journée, l’organisme a rencontré Pierre Schapira, membre de l’équipe de campagne de François Hollande, au QG du Parti socialiste. S’il n’a pas apprécié le déguisement des faux banquiers, il a tout de même remis à Bernard Pinaud une lettre de François Hollande dans laquelle il se dit « favorable à ce que les grandes entreprises cotées en France publient leurs comptes détaillés pays par pays, quel que soit leur secteur d’activité » . Pour Mathilde Dupré, chargé de plaidoyer au CCFD, « c’est une bonne nouvelle. Nous ne manquerons pas de lui rappeler son engagement, s’il est élu ». Le CCFD a donc laissé le chèque fictif à Pierre Schapira qui a promis, le sourire aux lèvres, « de ne pas utiliser ces 100 milliards d’euros pour la campagne » .

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Pour Maurice Nguyen, militant de longue date au CCFD, « faire la tournée des QG était un engagement humanitaire pour une plus grande justice dans le monde » . Selon Patrice, ancien gestionnaire de fortune, il était nécessaire d’être présent : « les riches ne se rendent pas compte des inégalités que l’évasion fiscale provoque, ils sont enfermés dans une bulle. Je ne veux plus entendre parler de Jersey, de Saint Barthélemy, du Luxembourg et de la Suisse ».

De leur côté, les responsables de l’ONG se satisfont de l’engagement pris par la gauche et attendent des réponses à droite.

« Le dialogue est passé. C’est une avancée démocratique », explique Mathilde Dupré. « On collabore avec les partis qui défendent notre cause » , souligne Catherine Gaudard. « Nous ne sommes pas partisans d’un parti en particulier », insiste un bénévole qui votera Bayrou tandis que son voisin prône le changement avec François Hollande. À noté que le CCFD-Terre Solidaire ne s’est pas rendu au QG du Front National pour une raison d’éthique.

Maintenant, tout reste à faire à l’échelle internationale selon l’ONG. Et le chemin sera long, d’après le journaliste Antoine Peillon, auteur du livre Ces 600 milliards d’euros qui manquent à la France [^2], qui révèle que la Suisse « organise l’évasion fiscale de milliers de français chaque année et que la banque UBS incite les plus fortunés à ouvrir des comptes non déclarés dans des paradis fiscaux. »

[^2]: éd Seuil, mars 2012.

Économie
Temps de lecture : 7 minutes
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