À contre-courant / Quelles priorités pour la France en Europe ?

Pascal Canfin  • 10 mai 2012 abonné·es

Dès les premiers jours de son mandat, François Hollande va devoir prendre des décisions cruciales pour l’avenir de la politique européenne de la France. Quelles priorités nouvelles la France pourrait-elle porter ?
Tout le monde s’accorde à le dire : il manque à l’Europe une stratégie d’investissements. Mais définir une telle stratégie n’est pas chose facile. Encore faut-il se mettre d’accord sur les finalités et les moyens. De plus en plus d’économistes s’accordent à dire que la seule voie pertinente pour sortir de la crise est de développer l’économie verte. L’Europe est le seul continent à importer aussi massivement son énergie. Les investissements destinés à économiser celle-ci sont donc bons pour l’emploi européen. Ils sont également utiles pour notre indépendance géopolitique vis-à-vis des pays producteurs de gaz et de pétrole.

Il s’agit donc d’un véritable intérêt général européen autour duquel pourraient s’accorder une majorité d’États, y compris l’Allemagne, qui s’est elle-même donné des objectifs de réduction de gaz à effet de serre bien plus ambitieux que la France pour 2020. Tout cela converge pour rendre possible un accord sur une stratégie d’investissements écologiques, au-delà des désaccords qui existent entre les États membres sur un sujet comme le nucléaire. Mais il manque aujourd’hui une coalition de pays pour porter cette stratégie. Le changement de majorité en France devrait permettre de modifier la donne.

Une stratégie d’investissements demande des moyens. Où les trouver ? Les solutions techniques sont connues, il faut maintenant une volonté politique.
Le premier outil sur lequel travaille la Commission concerne les « obligations de projet » ou « project bonds ». Il s’agit d’émettre des obligations européennes pour financer des projets labellisés d’intérêt général européen et cofinancés notamment par la Banque européenne d’investissement (BEI).
Deuxième outil, le budget européen. Jusqu’à présent, la France, comme les autres États, n’a pas œuvré – c’est le moins que l’on puisse dire – en faveur d’un vrai budget européen financé par des ressources propres, c’est-à-dire par un impôt européen.

Troisième outil, la coopération fiscale. L’Europe est aujourd’hui la zone au monde où la concurrence fiscale est la plus forte car nous avons à la fois un marché unique et 27 systèmes fiscaux concurrents. Une aubaine pour les multinationales. Et si les dossiers d’harmonisation fiscale avancent si lentement, ce n’est pas à cause des institutions européennes mais bien de la faute des États membres. S’ils renonçaient à la règle de l’unanimité, nous aurions aujourd’hui un impôt unique sur les multinationales, des règles communes contre les paradis fiscaux, une taxe sur les transactions financières, etc., car la Commission et le Parlement y sont favorables.

Faire sauter ce point de blocage devrait être une priorité absolue de la France. Elle pourrait trouver sur ce dossier un soutien en Allemagne, car une telle orientation permet de réaliser les plans de réduction des déficits souhaités notamment par le gouvernement allemand, sans tomber dans l’austérité.

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