Droite : l’héritage sulfureux de Sarkozy

La campagne de Nicolas Sarkozy a radicalisé l’électorat de l’UMP :
54% des électeurs de l’UMP sont favorables à des accords avec le FN…

Michel Soudais  • 10 mai 2012 abonné·es

Jusqu’au bout, Nicolas Sarkozy a voulu croire qu’il pouvait l’emporter. Ou voulu faire croire, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Car le président sortant est assez averti pour ne pas avoir compris que son extrême impopularité ne pouvait lui permettre d’être réélu. Dans le dernier baromètre de l’Ifop, 36 % des sondés se déclaraient « satisfaits » de son action « comme président de la République » et 64 % « mécontents ». Ces deux chiffres constituent des records pour un chef de l’État à la veille d’une élection présidentielle. Sa défaite était non seulement prévisible, mais elle semble assez générale.

Le 1er mai, Marine Le Pen avait annoncé son vote blanc. À titre personnel, avait-elle toutefois précisé. La précision n’était pas inutile puisque le nombre de votes blancs et nuls, même élevé, reste loin des 6,5 millions de voix recueillies par la candidate d’extrême droite le 22 avril. Selon un sondage de l’institut Ipsos-Logica, effectué jusqu’à la veille du vote, la présidente du FN n’aurait été suivie que par 10 % de ses électeurs, 25 % s’abstenant de voter. En revanche, 14 % d’entre eux se seraient reportés sur François Hollande, 51 % optant pour Nicolas Sarkozy (ils étaient près de 70 % en 2007). Mme Le Pen, qui se rêvait en arbitre du second tour, n’a rien arbitré : sa consigne, qui était une manière de précipiter la recomposition de la droite en jouant la défaite la plus cuisante possible du président sortant, a échoué puisque ce dernier atteint un score moins faible que prévu. Les électeurs du FN ont montré qu’ils ne partagent pas tous son rejet de « l’UMPS ».
Même dans les Hauts-de-Seine, département dont il a présidé le conseil général, Nicolas Sarkozy ne devance François Hollande que d’un petit point (50,52 % contre 49,48 %). Il reste en revanche indéboulonnable dans son ancienne ville de Neuilly-sur-Seine (84,20 %), où il ne perd que deux points, comme dans le très chic XVIe arrondissement de la capitale (78,01 %). En termes de sociologie électorale, Nicolas Sarkozy n’obtient la majorité des suffrages que chez les travailleurs indépendants, les personnes gagnant plus de 3 000 euros par mois, les plus de 65 ans et les personnes vivant en milieu rural. Ce qui est loin de cadrer avec l’image d’un « candidat du peuple ».

Et pourtant, ce qui surprend dans le résultat de Nicolas Sarkozy, c’est moins sa défaite que les 48,38 % qu’il recueille encore malgré l’extrême droitisation de sa campagne. Non seulement, il a réussi à mobiliser son camp au-delà de ce que les critiques qu’on y entendait avant sa déclaration de candidature laissaient imaginer, mais il est également parvenu à lever les préventions de beaucoup de ses électeurs contre son style et son projet. Au point que, à l’issue de sa campagne, 54 % des électeurs de l’UMP se déclarent favorables à des accords avec le FN, dans un sondage Ifop. Ils n’étaient que 32 % à se dire favorables à de tels accords en 2010. Et 34 % en 1998, quand plusieurs présidents de Région RPR et UDF avaient accepté de constituer des majorités avec le FN. Le peuple de droite est toujours là et il s’est radicalisé.

Si la stratégie droitière et « populiste » de Nicolas Sarkozy, impulsée par son conseiller Patrick Buisson, venue de l’extrême droite, n’a pas permis de le faire réélire, elle a néanmoins enfanté une nouvelle droite. Il n’est pas exclu que Nicolas Sarkozy, conscient de l’inéluctabilité de sa défaite, ait sciemment conçu le projet de radicaliser son camp en prévision des échéances futures.
Sa défaite et son retrait de la vie politique, auquel il est difficile de croire, laisse pour l’heure l’UMP en grande difficulté. Aucun de ceux qui en briguent le leadership ne peut se prévaloir d’un bon score de leur champion dans leur fief. François Hollande est arrivé devant Nicolas Sarkozy dans la Sarthe, département de François Fillon, comme à Meaux (Seine-et-Marne), Saint-Quentin (Aisne) ou Bordeaux (Gironde), les villes de Jean-François Copé, Xavier Bertrand et Alain Juppé. Ce dernier a d’ailleurs aussitôt renoncé à se présenter aux législatives pour ne pas hypothéquer son avenir à l’UMP.

Afin de sauver les meubles, les responsables de l’UMP ont décidé lundi de mettre en sourdine leurs querelles. Réunis en bureau politique extraordinaire, ils ont décidé à l’unanimité de créer un « comité stratégique » collégial pour conduire la campagne législative. Et récusé le « rapprochement » avec le FN suggéré par un des membres de la Droite populaire. Mais, en coulisses, tout le monde se prépare à guerroyer pour la présidence du parti. Un congrès est prévu cet automne.

Politique
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