Laver leur honneur

On est là !, de Luc Decaster : l’occupation d’une société de nettoyage par ses salariés sans papiers.

Politis  • 17 mai 2012 abonné·es

Dans le bureau du patron, deux tableaux dressent la liste du personnel et la répartition des besognes. Le patron n’est pas là, son bureau est investi par une vingtaine d’employés. La caméra suit les mouvements de cette petite foule, calme, sereine, mais déterminée.

« On va s’expliquer » , dit l’un des employés au gardien. Ils sont sans papiers et demandent « à faire respecter la réglementation du travail, d’entreprendre les démarches nécessaires auprès de la préfecture, que les uns et les autres soient régularisés et, par voie de conséquence, que certains soient réintégrés » .

Certains de ces employés ont été virés sans préavis, sans indemnités. D’autres ont des fiches de paye tronquées, sur lesquelles, par exemple, ne figurent pas les congés payés. « On est là ! On ne bouge pas ! », renchérit un autre homme.

Le ton est donné. Il s’agit d’une occupation d’usine, ou plutôt d’une société tournée vers le nettoyage, Clean Multiservices. On s’organise. On tracte à l’entrée de l’entreprise, on colle des affiches, on banderole « l’intersyndicale des travailleurs sans papiers en lutte » . On fait ­l’apprentissage de ce qui est légal ou non. Les négociations commencent, avec l’appui du collectif des travailleurs sans papiers. On est là ! relate ainsi une grève et une occupation parmi d’autres, qui soulignent la présence de ces travailleurs exploités dans l’économie du bâtiment, le nettoyage, la restauration, l’aide à domicile ou la sécurité.

C’est le collectif d’Argenteuil qui, en 2009, alerte Luc Decaster. Il décide alors « de filmer dans la durée l’action des salariés de cette société, depuis ses premiers pas   ». Ça tombe bien : il reconnaît « aimer faire du cinéma au quotidien avec les gens, prendre du temps pour les connaître » . Sa caméra est là, jour et nuit. À l’épaule. Discrète. Saisissant les convergences et les désaccords. Ajoutant du mouvement au mouvement. Sans céder au piège du commentaire. Le réalisateur rend compte d’une bataille à la fois politique et sociale, sans accompagnement en voix off, sans banc-titre. Tout juste livre-t-il, en sous-titre, les conversations échangées entre Mauritaniens et Maliens, la traduction devenant un enjeu important, entre ceux qui parlent le français, le soninké ou le khassonké.

Luc Decaster alterne les plans, les séquences longues, étirées dans le temps, au diapason d’une occupation qui ne se vit pas toujours dans l’emballement mais aussi dans la lenteur, les jours d’attente : 39 exactement. Jusqu’à obtenir gain de cause.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes