Lourd agenda pour le Président

L’urgence sociale domine les rendez-vous nationaux et internationaux à venir. Le point avec syndicalistes et économistes.

Thierry Brun  • 10 mai 2012 abonné·es

L’agenda économique et social de François Hollande dans les prochaines semaines s’annonce tendu. Dette, plans sociaux, emploi, chômage, transition énergétique, traité budgétaire européen instaurant l’austérité… Analyses de deux syndicalistes et de trois économistes qui contestent le modèle néolibéral en vigueur.

« Sortir du carcan

des politiques d’austérité »

Selon l’économiste Dominique Plihon, président du conseil scientifique d’Attac, la mise en cause du traité budgétaire européen, qui a pour but de renforcer l’austérité comme gestion des finances publiques, est le premier chantier que le nouveau président devra aborder. « De ce point de vue, Hollande a une attitude qui paraît constructive en n’acceptant pas le traité budgétaire européen. »

Une position qu’il pourra défendre lors d’un sommet informel de l’Union européenne sur la croissance et l’emploi envisagé fin mai, avant le Conseil européen prévu les 28 et 29 juin à Bruxelles, ce dernier constituant sans doute le rendez-vous le plus important de ce début de mandat présidentiel. « Il y a une ambiguïté formidable : qu’est-ce qu’on entend par politique de croissance ?, interroge Dominique Plihon. Il y a la vision néolibérale, qui considère que ce sont les politiques d’offres qui relanceront la croissance. Cela signifie que l’on continue à déréglementer le marché du travail, à baisser la fiscalité, à améliorer la compétitivité. Et il y a une vision keynésienne, qui est de redonner des marges de manœuvre pour que la croissance démarre par la demande, une logique qui est plutôt celle de Hollande. »

« Une conférence sociale

pour l’emploi »

La défense de l’emploi est le chantier le plus important, estime Jean Grosset, secrétaire général adjoint de l’Unsa. Il passe par le « refus du traité budgétaire européen, avec son volet d’austérité ». Selon le dirigeant syndical, « il faut rompre avec un certain nombre de mesures d’austérité qui frappent de façon très forte le pouvoir d’achat des salariés et qui ont des conséquences sur l’emploi. Le modèle allemand, qu’on nous a vanté, est confronté aux grèves et aux revendications du syndicat de la métallurgie IG Metal, qui demande une importante augmentation des salaires, notamment parce que des milliers de salariés ont des jobs précaires, y compris dans les grandes entreprises ».
Jean Grosset insiste sur l’importance d’une conférence sociale pour l’emploi et la croissance : « Pour nous, c’est la condition première. Si l’emploi régresse, je ne vois pas comment on peut avoir un système de protection sociale élevée. Cette méthode de conférence sociale nous paraît importante, c’est une façon de redynamiser le syndicalisme. »

« Il faut des politiques

publiques en matière d’emploi »

« C’est en faisant reculer le chômage que l’on pourra aussi combattre une partie de l’influence du Front national, lance Annick Coupé, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires. On demande un arrêt immédiat des suppressions d’emploi dans la fonction publique. Il faut aussi recréer de l’emploi public qui ne soit pas de l’emploi précaire. »
Autre dossier urgent, « l’encadrement du temps partiel et de l’emploi précaire. Un ­gouvernement qui voudrait changer peut mettre en place un encadrement strict de la précarité sous toutes ses formes ».
Face aux plans sociaux, Solidaires veut mettre sur la table des négociations « un nouveau statut du salarié, c’est-à-dire un statut qui garantisse à chaque salarié le maintien du salaire et le droit à une vraie formation qui puisse lui assurer une reconversion dans les secteurs utiles socialement et écologiquement. Cette proposition doit être financée par un fonds patronal mutualisé. »

« Un audit citoyen sur

la consommation d’énergie »

Le nouveau président de la République sera rapidement confronté à la crise du modèle capitaliste et productiviste, prévient Geneviève Azam, économiste, membre du conseil scientifique d’Attac. La militante écologiste rappelle que François Hollande devra préparer ce dossier alors que se profile un sommet onusien de la Terre (Rio + 20), qui se tiendra à Rio de Janeiro du 20 au 22 juin.
« La France devra se battre pour la reconnaissance d’un “droit à l’eau” que l’Union européenne s’apprête à sacrifier dans un avant-projet de déclaration finale de Rio + 20. Pour le refus des mécanismes de financiarisation des ressources naturelles et pour la création d’un fonds de l’ONU destiné à lutter contre le changement climatique et géré par un financement public. »
Geneviève Azam souligne aussi « le besoin d’un débat public en France qui pourrait prendre la forme d’un audit citoyen sur la consommation énergétique, dans tous les lieux de travail, de vie, qui mobiliserait les associations travaillant sur ces questions. À la suite de cet audit citoyen, un référendum sur le nucléaire » serait nécessaire.

« Contre le chômage,

RTT et emplois utiles »

L’économiste Michel Husson estime que pour combattre le chômage « il faudra aller plus loin que le programme du nouveau président. Plutôt que d’attendre une croissance bloquée par une mauvaise répartition des revenus, plutôt que d’inciter les employeurs à embaucher des jeunes à coup de nouvelles baisses de cotisations, il faut prendre les choses à la racine. Au lieu d’être transférés aux actionnaires, les gains de productivité devraient être réaffectés : création d’emplois par la baisse du temps de travail, revalorisation des bas salaires, nouvelles ressources pour la protection sociale ».

L’économiste remet au premier plan la réduction du temps de travail, l’une des mesures phares du gouvernement de Lionel Jospin, mise en place à partir de 2000. L’économiste veut « avancer vers les 32 heures. C’est la voie royale pour créer des emplois tout en rompant avec la fuite en avant productiviste, et pour enclencher la transition vers un nouveau modèle de développement ».

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