Un peu moins d’austérité, bitte

Alors que la crise de la dette s’aggrave, le pacte budgétaire sera au centre des débats prévus
le 23 mai. Sa renégociation, souhaitée par le nouveau président français, est loin d’être acquise.

Thierry Brun  • 17 mai 2012 abonné·es

Désormais à la tête du pays, François Hollande avait annoncé dans son programme qu’il renégocierait le pacte budgétaire européen, le fameux Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars. Cette renégociation inclurait un plan de soutien à la croissance et une réorientation de la Banque centrale européenne (BCE) vers un financement des États surendettés. Le Président n’a toutefois pas été jusqu’à remettre en question le principe de la cure d’austérité, aux conséquences sociales dramatiques, promettant de maintenir le cap de la réduction du déficit public à 3 % en 2013, pour revenir dans les clous de l’ancien Pacte de stabilité et de croissance.

La Commission européenne a récemment taclé ces engagements électoraux et budgétaires dans un rapport indiquant que le déficit de la France risque d’atteindre 4,2 % en 2013 au lieu des 3 % prévus si de nouvelles mesures ne sont pas prises. Selon Bruxelles, les objectifs budgétaires de François Hollande sont menacés par une croissance quasi nulle, et un déficit qui s’alourdirait de 24 milliards d’euros l’an prochain.

De son côté, le président de la Commission, José Manuel Barroso, a rejeté l’idée de renégocier le nouveau pacte, signé par 25 pays de l’Union européenne, mais qui n’entrera pas en vigueur tant que 12 des 17 États de la zone euro ne l’auront pas ratifié.

Le social-démocrate allemand Martin Schulz, président du Parlement européen, a été dans le même sens. « Chacun doit s’en tenir à ce que nous avons décidé. Vingt-cinq pays ont signé le pacte budgétaire », a aussi déclaré la chancelière Angela Merkel, qui a félicité la Grèce, le Portugal et la Slovénie d’avoir déjà ratifié un traité qui veut ramener le déficit des États à 0,5 % du PIB et empêche les investissements publics de long terme.
L’horizon n’est cependant pas complètement bouché pour le président socialiste, qui peut s’appuyer sur certains pays européens, comme l’Irlande et l’Italie, ainsi que sur le dernier rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui estime que les mesures d’austérité mises en place pour « apaiser les marchés financiers » sont à l’origine de la dégradation de l’emploi dans plusieurs pays européens.

La Confédération européenne des syndicats (CES) a apporté son soutien au sommet européen du 23 mai consacré à la croissance, prévenant que celle-ci « dépend de la relance et non de la baisse des salaires et de la déréglementation ». La CES défend, comme le président français, l’idée que « les obligations européennes doivent être mises en place », et que « la justice fiscale doit être une priorité avec l’introduction d’une taxe sur les transactions financières et des mesures pour mettre fin aux paradis fiscaux. »

Face à la gravité des crises grecque et espagnole, Angela Merkel semble prête à concéder un accord sur la croissance, mais fondé sur la baisse des salaires et des dépenses publiques. Les négociations futures suscitées par François Hollande pousseront au compromis, une configuration qui rappelle la situation vécue par Lionel Jospin en 1997 avec le traité d’Amsterdam, dénoncé comme un « super Maastricht ». L’ancien Premier ministre s’était résolu, deux semaines après son investiture, à ratifier le Pacte de stabilité et de croissance, lequel a prorogé des critères de Maastricht (dette publique inférieure à 60 % du PIB, déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB) qui n’ont jamais été tenus… faute de croissance suffisante.

La prochaine rencontre informelle des dirigeants européens le 23 mai, avant le Conseil européen des 28 et 29 juin, prépare le terrain d’un compromis pour un président socialiste qui n’a pas l’intention de remettre en cause l’impératif de réduction des déficits et de la dette. Il faut s’attendre, aux termes de négociations qui risquent de se prolonger au-delà des législatives, à ce que la France ne prétende plus renégocier le pacte de stabilité budgétaire européen, mais accepte le principe d’y adjoindre un « protocole additionnel » concernant la croissance. Celle-ci étant déjà une priorité de l’UE dans sa stratégie pour les dix années à venir, on sera loin d’un changement de modèle économique.

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