Conforama : la Bourse ou l’emploi

Des syndicats contestent en justice un plan de licenciements chez Conforama, dénonçant une course à la rentabilité.

Thierry Brun  • 7 juin 2012 abonné·es

Le cas de Conforama pourrait inspirer le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui travaille à un projet de loi destiné à limiter les licenciements abusifs. En effet, les syndicats CGT, CFDT, FO et CFE-CGC ont traîné devant la justice la direction du numéro deux du marché français du meuble, accusée de mener « un plan social boursier, non conforme à la législation ». L’affaire remonte au début de l’année, mais le tribunal de grande instance de Meaux n’a statué que le 30 mai sur la demande d’annulation d’un plan de sauvegarde l’emploi (PSE), et a annoncé qu’il rendra sa décision le 20 juin. Les élus du comité central d’entreprise (CCE) contestent la suppression de 288 postes au sein de Saveo, le service après-vente de Conforama, ainsi que la fermeture de 7 de ses plates-formes sur 12 dans l’Hexagone.

« Avec ce plan, Conforama relance son offensive contre l’emploi,* ** s’indigne Patricia Alonso, syndicaliste CGT. Car, sous couvert de deux plans de mobilité volontaire entre 2008 et 2010, plus de 1 500 postes ont été supprimés. » François Cadoret, responsable technique dans un service après-vente de Conforama à Noisy-le-sec (Seine-Saint-Denis) et syndicaliste CFE-CGC, décrit une situation absurde : « La direction propose des reclassements et des formations, mais les postes proposés n’ont rien à voir avec les métiers du service après-vente… Mon boulot devrait être supprimé, comme celui d’une vingtaine de techniciens. » Preuves à l’appui, Manuel Marini, délégué syndical central CGT, explique que « des courriers de refus ont été adressés par la DRH à des salariés qui ont fait acte de candidature. Par exemple, au SAV de Montpellier, la DRH a expliqué à des salariés qu’ils n’ont pas été retenus parce qu’ils n’avaient pas le profil, alors que cette plate-forme va fermer… » .

Les syndicats estiment avoir de quoi mettre en cause la légalité du plan social, alors que la direction promet que 252 postes seraient proposés au reclassement des salariés au sein de l’enseigne et invoque un service après-vente en déclin. Manuel Marini admet qu’il y a « une baisse constante du nombre d’interventions dans les services après-vente », mais accuse la direction « d’organiser la pénurie en externalisant une partie des interventions ». Avocate des élus du CCE qui ont assigné Conforama en référé, Barbara Vrillac affirme aussi que « le cadre d’appréciation des difficultés économiques n’est pas bon », et qu’on « applique un plan à des catégories professionnelles qui n’existent pas ». Pour elle, le périmètre des offres de reclassement devrait concerner l’ensemble du groupe de distribution sud-africain Steinhoff International, qui a repris Conforama en mars 2011.

La CGT a relevé que les projets et les résultats économiques montrent que l’entreprise Conforama se porte bien. Mais le CCE ne peut contester l’absence de cause économique, compte tenu de la législation, constatent aussi les syndicats. La CGT de l’enseigne pointe une « incohérence juridique » et veut une loi « qui clarifierait les textes actuels en favorisant l’emploi et en interdisant les licenciements boursiers ». Or, l’enseigne, qui emploie plus de 9 000 salariés, est depuis son rachat sous la pression des réorganisations. Dans certains magasins, les salariés dénoncent « les agissements de la nouvelle direction, dont les pratiques n’ont rien de comparable avec les situations vécues avec les anciens interlocuteurs des représentants du personnel », assure la CGT du Conforama de Sorgues, dans le Vaucluse. Des méthodes qui ont provoqué plusieurs grèves ces derniers mois dans plusieurs magasins.

Surtout, les représentants du personnel reprochent à Steinhoff International une course folle à la rentabilité, depuis qu’en janvier le PDG de Conforama France a annoncé à la presse que le groupe voulait introduire en Bourse, dès 2013, sa branche européenne, dont fait partie Conforama, enseigne qui représente à elle seule 60 % des 5 milliards d’euros du chiffre d’affaires du groupe. « C’est la souris qui a avalé l’éléphant, critique Manuel Marini. Quand il nous a achetés, le groupe Steinhoff dégageait une rentabilité plus forte que notre société. Il y a donc une pression incommensurable des actionnaires, avec la complicité de la direction de Conforama, pour augmenter la rentabilité de l’enseigne par tous les moyens. »

Les syndicats observent que l’enseigne met les moyens pour « se redéployer en France et à l’étranger, notamment à Istanbul, en Espagne, etc. ». La direction parle de « rénover des magasins, d’en ouvrir une dizaine en France, dont deux à Verdun et à Châtellerault, au moyen du rachat d’affiliés BUT et de trois ou quatre magasins Confo Déco, à Bordeaux, entre autres ». La marque veut aussi favoriser son expansion dans l’e-commerce, « l’objectif étant de réaliser 10 % des ventes sur Internet contre 4 % aujourd’hui ». « Au regard de l’ensemble de ces indicateurs, on ne peut que conclure à l’évidence d’un défaut de motif économique » pour justifier un plan social, souligne la CGT, qui espère avec les autres syndicats obtenir gain de cause devant le tribunal.

Travail Économie
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