Des « circos » où ça va chauffer

Quelles seront les circonscriptions clés à observer de près dimanche soir ? À Carpentras, La Rochelle, Marseille et Pau, le second tour des législatives promet des batailles épiques. Tour de piste.

Pauline Graulle  • 14 juin 2012 abonné·es

Carpentras : Maréchal-Le Pen, la voilà

Il est des choix qu’on fait en se bouchant le nez. Celui de Martine Aubry en est un. Pour « faire  barrage » au FN et à la petite-fille Le Pen, Marion Maréchal, 22 ans, arrivée en tête (34,6 %) dans la 3e circonscription du Vaucluse, la première secrétaire du PS a demandé à la candidate socialiste de se retirer. Objectif : laisser la voie libre au député sortant UMP (tendance Droite populaire), Jean-Michel Ferrand, 70 printemps, auteur d’une proposition de loi rétablissant la peine de mort pour les terroristes. « Quelques déclarations de sa part sont évidemment inquiétantes mais nous faisons ce choix car pour nous c’est important », a déclaré Martine Aubry. Problème : la candidate PS Catherine Arkilovitch décidait lundi dernier de maintenir sa candidature. Pourtant l’enjeu est considérable : enrayer l’implantation, dans cette région « laboratoire », d’une extrême droite recomposée, liant le FN et la Ligue du Sud, parti créé par Jacques Bompard, dont le fils est un proche de Maréchal. Aubry espérait aussi qu’en contrepartie la droite locale appellerait à voter pour le socialiste Pierre Meffre, contre le maire d’Orange, Jacques Bompard, qui a toutes ses chances dans un territoire où l’extrême droite a pignon sur rue. Pour l’heure, la droite ne montre pas une grande gratitude : dans la 16e des Bouches-du-Rhône, l’UMP Roland Chassain s’est désisté pour laisser à la frontiste Valérie Laupies toute latitude pour battre le socialiste Michel Vauzelle. Néanmoins, le maintien de l’UMP Étienne Mourrut risque d’handicaper le FN Gilbert Collard dans le Gard.

La Rochelle : PS contre PS

Elle était promise au perchoir de l’Assemblée nationale, son lot de consolation pour n’avoir pas été nommée ministre de François Hollande… Encore faut-il qu’elle soit élue simple députée ! Ségolène Royal pensait que son élection serait une formalité ; ce sera finalement tout sauf une sinécure. Le « hic » ? Olivier Falorni. Il était jusqu’alors successeur désigné du maire de La Rochelle, et a été exclu du PS pour avoir refusé de se « coucher » (sic) devant l’ancienne candidate à la présidentielle parachutée par Solferino : il maintient sa candidature au deuxième tour, avec 28,9 % des voix. Bien qu’arrivée en tête, dimanche, avec 32 % des voix, la présidente de Poitou-Charentes bénéficie d’une avance moins importante que ce que prédisaient les sondages. Si les électeurs de gauche pourraient au final opter pour leur candidat de cœur – et non celle désignée par le parti –, ceux de droite se feront un plaisir de voter contre l’ancienne challenger de Sarkozy – l’UMP Dominique Bussereau a ainsi appelé à voter pour Falorni. Lequel, fort de son bon score, a claironné : « À gauche, personne n’est hors du commun. Mme Royal doit se soumettre au verdict des électeurs, comme tous les autres. » Quand un récalcitrant fait vaciller l’appareil socialiste tout entier…

Coup double pour Hollande à Marseille

Mettre fin au « système Guérini », tout en donnant un coup mortel à Gaudin… Avec la candidature de la socialiste Marie-Arlette Carlotti, arrivée en tête avec 34,4 % des voix dans la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône, le président de la République espère faire coup double. La déléguée aux Handicapés est certes l’ancienne porte-parole de Jean-Noël Guérini, le président (PS) du conseil général des Bouches-du-Rhône, mais elle a pris ses distances d’avec celui-ci, jusqu’à appeler à sa démission après sa mise en examen en 2011. Face à elle, Renaud Muselier, le protégé du maire (UMP) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pressenti pour être son successeur à la mairie de Marseille, n’a obtenu « que » 32,4 % des voix. Forte du potentiel report des voix du Front de gauche et d’EELV, mais aussi du bon score de François Hollande, arrivé en tête de justesse à la présidentielle à Marseille, Carlotti pourrait l’emporter, conservant ainsi son portefeuille ministériel, incarnant la lutte du Président contre « les affaires » et infligeant une défaite à la droite locale.

À Pau, le dernier round de Bayrou ?

Le MoDem se relèvera-t-il d’une défaite de François Bayrou ? L’ancien candidat à la présidentielle, ex-« troisième homme » faiseur de roi, pourrait échouer sur ses propres terres, dans la 2e circonscription des Pyrénées-Atlantiques où il est pourtant élu depuis… vingt-six ans. C’est que le PS n’a pas fait de cadeau à celui qui a clairement appelé à voter pour François Hollande à la veille du second tour de la présidentielle. Contre l’avis d’une partie de ses troupes, et faute d’accord de « non-candidature » (une « faute », selon le Vert Daniel Cohn-Bendit), Martine Aubry a tranché pour présenter une socialiste, Nathalie Chabanne, en face du père fondateur du MoDem. « Effet Hollande » oblige, cette outsider a rassemblé près de 35 % des électeurs au premier tour. Arrivé en troisième position avec 21,7 % des suffrages, l’autre novice, cette fois de l’UMP, Éric Saubatte, a décidé de se maintenir au second tour. En ne réunissant que 23,63 % des suffrages, soit 14 points de moins qu’en 2007, Bayrou est englué dans une triangulaire où il pourrait laisser son siège à une illustre inconnue.

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