La France pavillon bas

La tente française illustre parfaitement l’énorme malentendu de Rio+20 : les industriels ne rêvent que d’une « croissance verte » qui n’a pas grand-chose à voir avec les enjeux écologiques.

Claude-Marie Vadrot  • 21 juin 2012 abonné·es

Le pavillon de la France à Rio est à l’image de la conférence : essentiellement consacré aux entreprises qui l’ont en grande partie financé. Celles-ci ont fait le voyage dans l’espoir de récupérer de grosses miettes de l’économie verte, dont le Brésil et beaucoup d’autres pays ne veulent pourtant plus qu’elle figure dans les textes adoptables par la conférence. Au pavillon français et dans les cercles de lobbyistes, on ne parle que des partenariats public-privé sur la croissance verte, et les industriels semblent en passe de réussir leur OPA sur les craintes que suscite le massacre de la planète, et qu’ils se proposent tous de réparer ! Le tableau des généreux sponsors de la présence française constitue d’ailleurs la seule décoration d’une tente où se succèdent les représentants d’EDF ou de Schneider Electric, venant vanter leurs activités devant une salle généralement vide.

Ce pavillon inventé par le Comité 21 et « animé » par les communicants de Publicis Consultants représente jusqu’à la caricature la ruée d’un monde industriel et commercial sur les travaux des délégués officiels, afin que le sommet ne soit plus qu’une grande réunion mondiale consacrée à une nouvelle économie repeinte en vert pâle. Dans son pavillon, la France ne montre rien de la préservation des écosystèmes, et il n’y est pas plus question, comme dans les échanges entre délégués des États, de nature, d’environnement, de droits des peuples, des paysans ou encore de pollution. L’écologie est devenue un gros mot que personne n’ose plus prononcer, et le bilan des promesses non tenues après la conférence de Rio de 1992 n’est fait par personne en dehors des réunions de la société civile.

Symbole de cette prise en main de la com et des entreprises, c’est le responsable à Rio de Publicis Consultants qui informe régulièrement les journalistes des heures et de la teneur des points presse de Nicole Bricq, la ministre de l’Écologie. Dans la soirée de lundi, celle-ci a rappelé à une poignée d’industriels français combien leur rôle serait décisif. Un discours que tente de freiner Brice Lalonde, le directeur exécutif des Nations unies pour la conférence de Rio, qui rappelle que «   le capital humain doit rester plus important que le capital financier » et que les «   États ne doivent pas se focaliser sur leurs seuls intérêts nationaux ».

Aussi bien au pavillon français que dans les salles de conférence, cette obsession de l’économie verte a fini par braquer le Brésil et de nombreux pays émergents qui y voient une machine de guerre destinée à exploiter leurs richesses tout en installant un certain protectionnisme. D’où, mardi matin, une pointe de pessimisme dans l’annonce de Nicole Bricq : «   Le texte final n’avance absolument plus et il n’est plus impossible que la négociation ne se termine que dans la soirée de vendredi. » La perspective du renoncement au dogme de l’économie verte a semé la consternation parmi les industriels français et tous ceux qui attendaient ni plus ni moins que la conférence soit débarrassée de ses oripeaux écologiques et environnementaux : juste un signal pour relancer les affaires, grâce à de nouveaux financements « innovants » qui, pour l’instant, sont tout sauf destinés à la protection des ressources naturelles.

Écologie
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