« L’économie verte est indispensable »

Pascal Canfin était au sommet de Rio sur le développement durable. Il détaille la position de la France alors que ce sommet est jugé peu ambitieux par les ONG.

Thierry Brun  et  Patrick Piro  • 21 juin 2012 abonné·es

Les travaux de la conférence sur le développement durable (Rio+20), ouverte depuis le 20 juin, sont accueillis avec scepticisme par les ONG. Les chefs d’État et de gouvernement des nations les plus riches, en particulier le président américain, Barack Obama, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le Premier ministre britannique, David Cameron, ont brillé par leur absence tandis que François Hollande et plusieurs ministres, dont Pascal Canfin, ont fait le déplacement à Rio pour défendre une nouvelle vision du développement.

Quelle a été la priorité de la France à Rio ?

Pascal canfin : La transformation du programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) en une vraie organisation des Nations unies qui permette d’avoir une visibilité et une capacité de mise en œuvre des textes internationaux environnementaux est un point important. Plusieurs centaines de conventions en matière de droit international sur l’environnement, les produits chimiques, le climat, la biodiversité, etc. n’ont pas de cohérence entre elles. Le fait d’organiser le Pnue renforcera sa capacité à créer l’architecture juridique mondiale qui permettra de réorienter les modes de production et de consommation.

Qu’a-t-il été envisagé à Rio en matière de financements innovants pour le développement durable ?

La France a organisé à Rio un événement officiel sur les financements innovants et préside un groupe pilote de 63 pays. Un des enjeux consiste à examiner l’ensemble des options possibles en matière de financements innovants, dont l’un des plus connus est la taxe sur les transactions financières. L’enjeu est de voir comment les autres États avancent sur ce sujet. Les Britanniques sont certes opposés à la taxe sur les transactions financières, mais ils ont mis en place des mécanismes de marché qui permettent de financer des vaccins. Il ne faut pas avoir une vision trop étroite des financements innovants et les réduire à la taxe sur les transactions financières. Il faut au contraire rester sur le « menu d’options » qui a été validé au G20. Par exemple, une partie de la vente aux enchères des quotas carbone pourrait être affectée à la politique de développement, ce que font les Allemands. Quand on prend l’ensemble des outils possibles, on voit que les choses avancent, même s’il faut évidemment aller plus loin. Nous souhaitons que l’agenda post-Rio soit structuré autour d’un seul agenda qui combine les objectifs du millénaire fixés en 2000 par les Nations unies ainsi que ceux concernant le développement durable. Il s’agit d’avoir un projet unique et cohérent, car sortir de la pauvreté, c’est avoir à manger, accès à l’énergie, accès à l’eau… Nous voulons un seul champ de négociation. Cela ne veut pas dire – c’est la crainte de certains pays du Sud – que l’on va remplacer la lutte contre la faim dans le monde par l’accès à l’énergie. L’enjeu de Rio a été de trouver un compromis pour rassurer ceux qui craignent que ce soit un faux nez pour autre chose, comme par exemple ouvrir des marchés à nos entreprises.

Pensez-vous que l’économie verte promue à Rio par le Pnue réponde au défi de la gestion durable de la planète ?

Les ressources de notre planète sont limitées. Les indicateurs environnementaux sont au mieux dans l’orange, au pire dans le rouge. Cette nouvelle donne nous oblige à partager et à innover. Comment partager cette rareté ? Le ferons-nous de manière coopérative ou non ? Par ailleurs, il faut produire des biens en inventant des modes de production et de consommation qui respectent la rareté des ressources, cela implique de l’innovation. L’économie verte prend toute sa place dans cette vision des choses. Elle n’est pas l’intégralité de la réponse, parce que ce ne serait qu’une vision techniciste, mais elle est un élément indispensable. Je ne vois pas comment on peut s’en passer. Si nous voulons des biens de consommation sobres en énergie et en carbone, économes en ressources, cela implique que des entreprises les produisent.

Est-ce à dire que vous êtes en désaccord avec vos alliés socialistes sur certains points ?

Il y a des sujets sur lesquels nos désaccords sont connus. Il y aura donc un débat au sein de la majorité parlementaire sur ces questions, par exemple sur le nucléaire. Mais il y a d’autres sujets, sur lesquels nous n’avons pas de désaccord. Nous pouvons avoir un certain nombre de débats, de discussions, qui donnent lieu à des arbitrages, et évidemment je me battrai pour que les questions de développement durable soient les plus intégrées possibles. Il y aura des discussions avec la société civile, avec le Parlement, et cela est normal en démocratie. Mais, une fois que les arbitrages ont eu lieu, c’est la solidarité gouvernementale qui prime. Il y a aussi tout un champ de mon portefeuille ministériel qui relève de la parole de la France à l’extérieur. Là-dessus, je considère que la France ne peut avoir qu’une seule parole. Il n’est pas concevable que j’aie, en tant que ministre, un discours différent d’un autre ministre. Ce serait incompréhensible. Quand je représente la France à Rio, j’ai ma sensibilité, mais, ce que je défends, c’est la position française. Toute autre forme de surenchère ou de décalage serait inefficace dans les négociations et incompréhensible pour nos partenaires.

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Et maintenant, justice sociale !
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