Législatives : le Front de gauche paye son autonomie au prix fort

Seulement 10 candidats du Front de gauche ont été élus dimanche 17 juin à l’Assemblée nationale. Le coup est rude pour le mouvement, qui enregistre pourtant une progression de 60 % en nombre de voix par rapport à 2007.

Erwan Manac'h  • 18 juin 2012
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Législatives : le Front de gauche paye son autonomie au prix fort

En dépit de son bon score, le Front de gauche sort affaibli des législatives. Avec 10 députés, contre 20 élus sortants, il n’est même pas en mesure de constituer un groupe à l’Assemblée et risque d’être privé de temps de parole au palais Bourbon.

Paradoxe : le Front de gauche recueillait 1 793 000 voix le 10 juin dernier, contre 1 115 000 voix pour le Parti communiste au premier tour des législatives en 2007. 670 000 voix de mieux et une progression de 60 % des suffrages, pour 5 sièges de moins. «  Nous serions 45 [députés] si nous étions élus à la proportionnelle » affirmait dimanche Jean-Luc Mélenchon.

« Ce scrutin est une démonstration éclatante de la crise de la Ve République, que nous dénonçons depuis longtemps », estime Alexis Corbière, candidat Front de gauche dans la 8e circonscription de Paris (7,79 %). Il ne digère pas qu’une règle technique puisse priver les élus du Front de gauche de la parole. «  Le PS et l’UMP ont recueilli à eux deux 60 % des voix au premier tour de la présidentielle. Ils obtiennent aujourd’hui 95 % de la représentation nationale. »

Sur le plan national, la comparaison avec les scores d’Europe Écologie-Les Verts est tout aussi troublante. Les écologistes ont recueilli 1 400 000 voix au premier tour des législatives le 10 juin dernier (+ 68 % par rapport à 2007). C’est 1,5 point de moins que le Front de gauche, mais ils parviennent cependant à constituer un groupe de 18 députés.

Le prix d’une stratégie « autonome »

La première question que le Parti communiste devrait régler est celle d’une participation au gouvernement socialiste. Le conseil national du PCF s’est réuni lundi matin à huis clos. Selon des participants cités par l’AFP, Pierre Laurent, secrétaire national, se serait prononcé contre la participation des communistes au gouvernement. M. Ayrault « m’a dit hier soir : mon seul mandat est le programme présidentiel » , aurait expliqué Pierre Laurent. La décision sera rendue mercredi par les délégués du parti.

« Nous refusons la vassalisation [au Parti socialiste], car nous sommes persuadés qu’il mettra en place une politique que nous combattons, notamment en matière d’austérité, insiste Alexis Corbière. Dans la période à venir, nous avons surtout besoin d’un mouvement qui ait une réalité sociale et un poids politique. »

Un groupe est « encore possible »

Le Front de gauche n’a pas abandonné l’espoir de pouvoir constituer un groupe à l’Assemblée. Les 10 élus pourraient être rejoints par Huguette Bello (DVG) élue avec 67 % des voix à La Réunion, tout comme l’indépendantiste martiniquais Alfred Marie-Jeanne. Tous deux faisaient partie du groupe communiste sortant. Manqueraient alors 3 députés pour atteindre le seuil des 15 élus pour la constitution d’un groupe.

S’il n’y parvient pas, le Front de gauche pourrait militer pour l’abaissement de ce minimum à 10 députés. C’est le message que Jean-Luc Mélenchon a envoyé dimanche soir : «  Au Sénat, on peut constituer un groupe à 10 », a-t-il justifié. Et ce, depuis l’adoption en décembre 2011 d’une résolution socialiste qui abaissait de 15 à 10 le nombre d’élus nécessaire pour constituer un groupe « afin de renforcer le pluralisme » . À l’Assemblée, le seuil pour la constitution d’un groupe était de 30 députés en 1959. Il a été ramené à 20 en 1988, puis à 15 en 2009. Il s’agissait déjà de permettre aux députés communistes de conserver leur groupe.

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